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Élevage au Fouta Djallon : une activité fortement menacée de disparition

Photo d'archives

Ça en a bien l’air avec la rareté des bêtes qui se fait de plus en plus sentir dans cette région dont la principale activité des populations est l’élevage qui est d’ailleurs une pratique héréditaire. Pour cause, cette activité qui est de surcroît la véritable profession des peuls depuis l’aube des temps d’où le sobriquet « POULO KO N’GAYINAAKO » (littéralement le peul est un éleveur) est en train de mourir à petit feu dans sa région de prédilection a constaté sur place Guinéenews.

 En effet, malgré le lien originel entre le peul et l’élevage, cette pratique est au fur et à mesure abandonnée par les peuls au profit d’autres activités comme le commerce et tant d’autres professions. Conséquences, le secteur de l’élevage continue sa descente aux enfers en Moyenne Guinée au vu et au su de tout le monde avec des impacts péniblement ressentie dans cette zone où la viande est désormais un luxe que seul un cercle restreint de la population peut s’offrir.

Les causes exactes de l’abandon de l’élevage au Foutah !

Dans la recherche des racines de ce problème, la rédaction locale de guinéenews basée à Labé s’est tournée vers les spécialistes du secteur qui semblent avoir fait le même constat. Dépourvus de moyens d’intervention, ces techniciens assistent impuissamment à la disparition progressive de l’élevage dans une région où la vie tournait autour de ce secteur.

Docteur Mamoudou Diawara, vétérinaire chef de poste au niveau de la commune urbaine de Labé parle d’un aspect non des moindres : « les effectifs qui étaient là avant ont disparu et beaucoup d’éleveurs ont transféré leur bétail vers la forêt et la haute Guinée. Donc présentement c’est l’inverse parce que le berceau de l’élevage, c’est la haute Guinée et la forêt. Les grands éleveurs du foutah, beaucoup ont envoyé leur bétail en forêt et en haute Guinée » déclare le responsable du poste vétérinaire de Labé.

Les malfaiteurs qui règnent très souvent en maîtres ne sont pas non plus en marge dans cette situation. « Les voleurs sont présentement des patrons au niveau du foutah et cela n’est  un secret pour personne. Hormis tout ça, il y a un problème d’alimentation parce que le désert est en train d’avancer. Avant, les parties qui étaient choisies comme pâturage, désormais tout est construit, tout est brûlé ou tout est coupé par les exploitants de bois. Donc, il y a assez de problèmes présentement avec les éleveurs » soutient docteur Mamoudou Diawara.

En dernier ressort, le médecin vétérinaire parle d’une migration de l’élevage au commerce qui est l’une des transitions les plus convoitées par les éleveurs : « le commerce aussi a dominé de nos jours. Aujourd’hui chacun a sa table à côté, son petit commerce et est en train de vendre. C’est-à-dire, c’est l’intérêt immédiat qui intéresse maintenant les éleveurs » reconnaît le médecin vétérinaire qui déplore une fois de plus ce désintéressement.

Conséquences de l’abandon de l’élevage au Foutah 

Cette situation occasionne de nos jours une crise sans précédent d’animaux d’élevage en général et les bovins et ovins en particulier.  La rareté en question se répercute directement sur le quotidien de la population locale mais aussi et surtout sur celui des villes et régions alimentées en bétail par le Foutah Djallon.

« Avant tu pouvais te procurer  toutes sortes de bétail et comme tu le veux ici en centre-ville de Labé à un prix vraiment raisonnable. Et pas n’importe quel animal, la qualité était vraiment réconfortante. Mais de nos jours, non seulement il est difficile de voir une bête grasse mais aussi le prix est totalement insupportable » explique El hadj Mamadou Tounkara, doyen rencontré dans le quartier Dow-Saré de la commune urbaine de Labé.

Le problème est bel et bien réel à en croire  monsieur Boubacar Kanté, membre de la coopérative des bouchers de Labé. « Pour avoir des bêtes de qualité, c’est-à-dire un peu présentable, il faut sortir de la préfecture de Labé pour te rendre dans les autres préfectures comme Tougué, Koubia, … et là-bas aussi c’est un grand problème car nous bouchers locaux, sommes  souvent en concurrence avec les commerçants et bouchers de Conakry dont la bourse est très souvent mieux garnie que la nôtre. Donc, très souvent on est obligé d’attendre qu’ils finissent leurs achats pour prendre les restes pour venir proposer cela à la population de Labé. Et très souvent c’est des animaux chétifs qu’ils nous laissent. Sans oublier que parfois on rentre bredouille » dénonce-t-il.

Bras de fer entre bouchers et autorités communales 

Naturellement ce problème qui frappe l’élevage du foutah djallon de plein fouet impacte directement sur le prix de la viande. Le kilogramme qui était vendu dans les années 2015 entre 20 et 25 000 GNF se négocie de nos jours entre 35, 40 et 45 000 GNF. Une situation très souvent mal vécue par la population en général et les autorités communale en particulier.

Récemment, c’est-à-dire vers la fin du dernier mois de ramadan, l’équipe communale de Labé s’est vue contrainte de fermer la boucherie centrale de Labé pour non-respect du tarif officiel de la viande par les bouchers. Quelques jours après, les activités ont repris à la suite d’un autre accord qui n’a également jamais été respecté par les bouchers qui selon nos informations ont très souvent du mal à joindre les deux bouts.

« Très souvent on travaille à perte ici. Tu achètes une vache entre 3 et 4 millions GNF dans des contrées très éloignées et enclavées. Après tous ces frais, tu as du mal à avoir ne serait-ce que le prix d’achat de la bête. Donc, voilà pourquoi on est très souvent obligé d’augmenter le prix du kilogramme parce que sinon on va rester assis» avoue Boubacar Kanté de la boucherie centrale de Labé.

  Pistes de solutions pour relancer l’élevage au Foutah

Pour plus d’une personne il faut d’abord trouver des réserves d’alimentation consistante pour les bêtes, afin que les éleveurs puissent rester sur place comme le font certaines rares localités de la région. « Les zones de Kalan, Noussy, Dionfo, Sannoun, … c’est dans ces localités que tu peux trouver un effectif un peu considérable. En plus il y a beaucoup de plaines dans ces localités où les animaux peuvent brouter pendant 8 mois voir plus sans finir le stock. En plus, les éleveurs de ces localités font des réserves alimentaires. Quand ils récoltent le fonio, ils prennent soin de faire une réserve alimentaire pour les bêtes. Ils sèchent le produit qu’ils gardent jusqu’en période d’étiage pour alimenter les animaux pendant 3 à 4 mois avec cette réserve. Ça leur permet de pouvoir joindre les deux bouts entre les deux saisons » souligne docteur Diawara.

En plus, il faudrait relancer l’État pour une meilleure exploitation de l’insémination artificielle qui plus de deux ans après son lancement peine toujours à donner les résultats escomptés en Moyenne Guinée. Pourtant, avec un bon suivi et une bonne gestion cette initiative présidentielle pourrait être la solution à ce problème de viande qui ne fait que s’accroître.

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