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Élection du 18 octobre en Guinée : le chaos est-il à craindre ?

Quand on constate le raidissement des positions dans les camps de l’opposition et du pouvoir face au rendez-vous du 18 octobre prochain, tout laisse à penser que la paix et la quiétude sont menacées entre les guinéens. En effet, les signes avant-coureurs des tensions sont palpables et se multiplient :

Le gouvernement vient de fermer les frontières avec quelques pays voisins (Sénégal, Guinée Bissau et Sierra Leone) soupçonnés de servir de base arrière à des velléités déstabilisatrices du principal challenger d’Alpha Condé à savoir Cellou Dalein Diallo. Des accusations rentrées dans le quotidien des guinéens chaque fois qu’un pouvoir se sent menacé de déchéance en Guinée. En 1998, le même type d’accusations à valu à celui qui s’en prévaut aujourd’hui, deux années d’emprisonnement ferme après un retentissant de procès pour atteinte à la sûreté de l’État sous le régime de Lansana Conté.

Le deuxième signe de tension est l’exacerbation des discours radicaux et ethniques. Tibou Kamara, pièce maîtresse de la campagne présidentielle, qu’on croyait gagné par la sagesse républicaine, vient de s’en prendre violemment, dans un discours Trumpien au Front national de défense de la Constitution (FNDC), après le départ de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) de cette plateforme sociopolitique qui n’est pas partie prenante de l’élection présidentielle prochaine. Pour ce qui est de l’environnement des réseaux sociaux, le déferlement des discours haineux et ethniques est sans limite et va dans tous les sens. La récente sortie de la Haute autorité de la communication incitant les médias à plus de retenue, montre à quel point la communication politique en cette période préélectorale est polluée et en pleine dérive.

Le troisième signe de tension est l’assurance de Dalein de battre cette fois-ci Alpha Condé et de s’autoproclamer président selon les dires d’Alpha Condé le soir même du jour de l’élection. Vrai ou faux,  la troupe de Dalein, remontée à bloc compte aller jusqu’au bout pour installer son candidat au palais présidentiel. Le harcèlement des membres du gouvernement dans son fief décrit l’état d’esprit de ses partisans. L’attaque du cortège du premier ministre à Labé en est un signe même si, selon le préfet de cette ville Safioulaye Bah, cette attaque traduit l’expression de la colère de certains partisans du pouvoir déçus de ne pas avoir obtenu l’argent qui leur a été promis par les organisateurs de l’événement. Un acte que Dalein lui-même a d’ailleurs tenu à condamner publiquement et à s’en désolidariser.

Enfin, le dernier signe de tension résulte de l’échec de la récente mission de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et de l’Union africaine (UA) qui n’a pas réussi à rapprocher les parties et à créer en elles un sentiment de confiance dans le processus électoral. Cette mission est d’ailleurs accusée de partialité envers le pouvoir par l’opposition pour avoir considéré le troisième mandat d’Alpha Condé comme étant une question déjà résolue par la Cour constitutionnelle.

Voilà autant d’ingrédients qui indiquent que le rendez-vous du 18 octobre est hautement risqué pour la paix sociale, car il se prépare sur fond de rupture totale de confiance entre les parties. Le contentieux qui les oppose est insoluble, ce qui laisse croire que les résultats qui sortiront des urnes seront vivement contestés et rejetés par la partie déclarée perdante.

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Autre facteur inquiétant, les organisations africaines (Cedeao et UA) censées assurer la médiation et l’arbitrage entre les protagonistes ont perdu toute confiance aux yeux de l’opposition. Outre la Guinée, ces deux organisations traversent une crise de légitimité sans précédent dans la sous-région. Le Mali est un exemple parlant de l’échec de leur leadership. Accusées de reléguer au second plan de leurs préoccupations les aspirations des peuples africains, ces deux organisations ont encore du chemin à faire pour donner à ces peuples les preuves qu’elles ne constituent pas, comme on le leur reproche, une sorte de syndicat de défense des causes des chefs d’États-membres.

Tout ceci fait penser que le chaos est à craindre après la proclamation des résultats de la prochaine présidentielle. Ce fait n’est pas nouveau en Guinée, car ce pays n’a jamais réussi à organiser des élections correctes et acceptées de tous, compte tenu de la crise de confiance qui caractérise les relations entre les parties en compétition.

Dans ces circonstances, la crise postélectorale qui pointe à l’horizon risque de frapper encore plus fort les guinéens déjà largement éprouvés par la crise sanitaire due au coronavirus et par leurs conditions de vie très précaires dans un pays en carence chronique d’eau potable, d’électricité courante, de routes praticables et d’infrastructures sanitaires dignes de nom. Elle risque aussi d’éloigner de la Guinée les investisseurs économiques étrangers qui ont besoin d’un environnement politique et social stable pour s’engager dans un pays.

Sans perdre de vue toutes ces évidences, il est à souhaiter que les différentes parties en opposition prennent toute la mesure de la gravité du moment et fassent preuve de maturité politique afin d’éviter que le pays ne sombre dans la violence. Prions à notre tour pour que soient réunies les conditions d’un avenir meilleur pour la Guinée.

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