Plus de cinq mois d’enquête ont permis aux services spéciaux chargés de la lutte contre la drogue, le crime organisé et l’office de répression des délits économiques et financiers du Colonel Moussa Tiégboro, de démanteler un vaste réseau de trafiquants de ciments destinés au chantier du barrage hydroélectrique Souapiti. La découverte a eu lieu à Gbantama, dans la préfecture de Dubréka. C’est l’ancienne huilerie de feu Elhadj Moussa Conté, l’un des fils de l’ancien président Lansana Conté qui abritait cette activité illicite.
Très remonté contre cet agissement, le Secrétaire général à la Présidence chargé des services spéciaux de la lutte contre la drogue, le crime organisé et l’office de répression des délits économiques et financiers, le colonel Moussa Tiégboro Camara parle d’un fait ‘’honteux, écœurant et regrettable’’.
«Il y a plus de cinq mois que nous avons été saisis par la société GI (Guinéennes Industries) Ciments par une plainte régulière. Elle a voulu que nous procédions à une enquête parce qu’elle serait victime d’un piratage de ses produits. Et depuis, de fil à aiguille, il n’y a pas un quartier de la commune de Matoto où nous n’avons pas mis pied. Nous avons fait également la même chose dans les quartiers de Kagbelèn. C’est dans la haute banlieue que les délinquants aiment souvent opérer parce qu’ils estiment qu’il y a moins de contrôle. C’est à peu près le même scénario que ce que nous avons vécu avec le commerçant Bobo ‘’riz pourri’’ que nous avons découvert récemment à Dabompa (…)», a expliqué le Colonel Tiégboro.
Sur l’origine des ciments, l’officier supérieur de gendarmerie a rappelé : «une fois que les camions sont chargés pour se rendre sur le chantier de notre historique barrage hydroélectrique Souapiti, des gens qui se sont organisés en bande de délinquants, trouvent moyen de contrefaire les sacs de GI Ciments et de CIMAF. En détournant les camions avec la complicité de certains cadres. Mais ce qui est sûr, tous les éléments de la chaine seront interpelés. C’est une enquête facile. L’essentiel pour nous, c’est la découverte. Peut-être demain, certains vont dire que les ciments n’étaient pas sur le marché ou encore que ce n’était pas dans une marmite comme il a été le cas du riz pourri et des farines périmées. C’est une méconnaissance du droit et même être apatride pour penser ainsi (…)»
Selon le Colonel Tiégboro Camara, la responsabilité se situe à tous les niveaux parce que, a-t-il fait savoir, la quantité de ciments est connue à l’embarquement tout comme à la destination. Pour lui, si depuis tout ce temps, les gens continuent à détourner, c’est parce qu’il y a une forte complicité.
«Je suis sûr et certain que d’autres matériaux tel que le fer sont aussi détournés. La Guinée peut aller où avec cette pratique ignoble qui n’est d’ailleurs pas le fait de seuls analphabètes. La mafia a atteint son apogée dans ce pays. Nous comptons sur les citoyens. Parce qu’un tel comportement ne nous amène nulle part. Tous ceux qui sont liés de près ou de loin à ce trafic, seront interpellés et traduits devant les tribunaux», a-t-il promis.
Poursuivant, le Colonel Tiégboro ne cache pas son indignation devant le fait que des individus volent l’Etat à un tel niveau surtout quand il s’agit de la construction d’un barrage aussi important que celui de Souapiti qui est une fierté non seulement nationale mais aussi sous-régionale. «Il y a une complicité extrême dans cette affaire. Donc, ce qui sont dedans, c’est maintenant qu’il faut traverser les frontières…», a-t-il prévenu.
À lire aussi
Interpellé sur les lieux par les hommes du colonel Tiégboro, Mamadouba Sylla, chauffeur de son état, a aussitôt reconnu qu’il a l’habitude de transporter les ciments sauf que tel n’est pas le cas au moment où ils ont mis main sur lui.
«Je suis venu dans la cour pour réparer ma voiture quand les hommes du Colonel Moussa Tiégboro Camara ont débarqué pour procéder à des interpellations », a-t-il déclaré.
Quant à Alama Sankhon, un autre interpellé, il a nié tout lien avec les responsables de ce trafic de ciments. Toutefois, il a témoigné qu’il voit des camions qui débarquent nuitamment avant de continuer vers Souapiti.
«C’est quelqu’un qui m’a approché pour que je puisse travailler avec lui. Je suis là pour surveiller les dames et les jeunes qui remplissent les sacs de ciments. Je n’en sais rien, ce sont des camions que je vois rentrer nuitamment dans la cour après le déchargement d’une quantité de ciments, ils poursuivent leur trajet vers le chantier du barrage hydroélectrique Souapiti», a-t-il indiqué.
Parmi ces interpellés figurent plusieurs femmes qui sont chargées de faire l’ensachage des ciments détournés. Au nombre d’elles, Mme X qui rejette, elle, tout lien avec les responsables de ce trafic de ciments. «C’est nous qui remplissons les sacs à l’aide des entonnoirs. A Chaque sac rempli, nous avons 2 500 fg. Donc 10 sacs remplis peuvent rapporter à celle qui les a remplis 25 000 fg. J’ai fait un mois ici sans être payée. Si tu tombes malade, tu es obligée de rester à la maison. Nous ne connaissons aucun responsable. Ce sont des jeunes contrôleurs qui nous paient. Ils me doivent plus de 600 000 fg», a-t-elle relaté.
Après le district de Gbantama, le Colonel Moussa Tiégboro Camara et sa suite ont débarqué chez le préfet de Dubréka. Objectif, mettre ce dernier à contribution pour traquer tous ceux qui sont impliqués dans ce trafic de ciments.
En, réponse, le préfet de Dubréka, Younoussa ‘’Le bon’’ Sylla s’est engagé à user tout son pouvoir pour féliciter ce travail. «Ce qui s’est passé est amer et aberrant. Malgré que les efforts consentis par le président de la République et l’engagement de son gouvernement, des individus se livrent à ces pratiques regrettables. J’ai pris langue avec mon sous-préfet, toutes les personnes citées seront arrêtées avec l’appui de la notabilité et les autorités locales», a promis le préfet.