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Dr Makalé Traoré du PACT: «J’ai dit aux militaires… »

J’ai dit aux militaires au camp : faites attention ! La population a commencé à avoir peur de votre pouvoir (…) Je vais juste demander au colonel Doumbouya de revoir la copie de son premier discours avant de commencer sa journée. L’introspection est souvent nécessaire. Ça vous permet de revoir ce que vous avez dit avant, ce que vous voulez faire à l’avenir….Il est très important de s’écouter. Ça vous permet de revenir sur vous-même

Invitée ce matin sur les antennes de la Radio FIM Fm, Dr Makalé Traoré a « craché » ses vérités crues aux acteurs politiques, aux nouvelles autorités et regrette la sortie par la petite porte de l’ancien président Alpha Condé. Elle a parlé de la nécessité du dialogue, de la politique d’incitation des investisseurs, de la libéralisation de l’économie et du panier de la ménagère, qu’elle qualifie de percée, sans oublier la méthode cavalière de déloger les occupants des domaines dits de l’Etat. Elle pense que les interpellations, les instructions… doivent être discrètes et qu’il n’est pas nécessaire de déposer les gens à la Maison Centrale.

Ainsi, pour planter le décor, la présidente du FACT, a souhaité bonne fête aux femmes en ce mois de mars. Elle a tenu à les encourager à continuer la lutte en participant à la prise de décision à tous les niveaux, avant d’expliquer les raisons de son long silence sur la scène politique. «  Vous savez, j’ai été aux élections où j’ai pu avoir 300 mille voix. Ce qui fait 300 mille personnes qui vous écoutent, et qui, parfois, appliquent directement ce que vous dites. C’est pour cela qu’il faut faire extrêmement attention à ce que vous allez dire. Aujourd’hui, c’est difficile, le débat n’est plus permis.

Vous avez suivi le lynchage de Gassama Diaby et de Thierno Monenembo !…C’est ce qui fait que les intellectuels de ce pays se muent dans le silence.  Et c’est dangereux. Il faut accepter qu’un intellectuel  s’exprime. Evidemment par de notre passé, notre histoire, notre identité… Ce pays a été toujours violent envers ceux qui sont instruits et qui ne sont pas dans le conformisme. Ce pays, a tellement « décimé » des intellectuels que nous vivons aujourd’hui les conséquences », regrette-t-elle avant de continuer.

« Nous sommes en train de fouler aux pieds les valeurs de ce pays, les aînés, nos devanciers…Vous savez qu’en Guinée, on a cultivé l’esprit que tout le monde soit égal (…) Je ne crois pas quelqu’un qui a l’âge de votre père n’est pas votre égal, le Président de la République n’est pas votre égal, quelqu’un qui a servi à certain niveau ce pays doit être respect. C’est ça des valeurs. Ici, les Imams ne sont pas épargnés,  les personnes qui ont rendu de grands services ne sont pas épargnés, les riches ne sont pas épargnés ? Or, quand vous n’épargnez pas tous ceux-ci, il vous manque de repères.

En Guinée, au-delà de la refondation de l’Etat, il faut refonder la société. Même l’amitié est sacrifiée. Je connais des gens qui ont été amis depuis quarante ans et qui ne se parlent plus. Les familles sont divisées pour un problème d’intérêt. Il nous reste quoi ? Et cela conduit à un repli sur soi et aussi à s’interroger sur ce qu’on va léguer à nos enfants,  à nos petits enfants. Voilà pourquoi j’ai pris un petit recul. Il y a aussi de l’ethno-stratégie. Je l’ai toujours dénoncée. Ça fait des années j’alerte. L’instrumentalisation de l’ethnie a atteint un degré tel !…Sans compter avec le manque d’empathie.

Le Guinéen est devenu méchant. On a une culture forte, je n’arriverai pas à dire qu’on a une culture violente…Si vous savez les violences que subissent les femmes ! Les enfants, les bébés, les nourrissons…Il nous reste quoi comme valeur ? …Que le Guinéen cesse de se réjouir du malheur d’un Guinéen ! C’est devenu culturel chez nous. On est content de voir l’autre souffrir, on est content de voir son prochain humilié …On est content de voir l’autre dépossédé.  Ce n’est pas un bon héritage pour le pays », s’indigne-t-elle.

Par rapport à la dernière rencontre des leaders politiques avec des nouvelles autorités  au camp Samory Touré, Dr Makalé Traoré est revenue sur sa propre intervention devant les militaires : « C’était une réunion importante. J’ai été appelée en me disant qu’on avait besoin de moi à l’état-major général des Armées. A l’entame de mon intervention j’ai dit au colonel, pardon désormais quand  vous appelez les gens dites-leur pourquoi vous les appelez. Sinon, l’eau va monter… (Rire Ndlr). J’ai été un petit peu échaudée à l’entame par un mot que le chef d’état-major général …Il dit,  on vous a fait venir pour mettre les points sur les « i ». Quand on vous convie à une rencontre et que vous venez, vous vous attendez à des formules d’amabilité… Avec la première phrase lancée ce jour-là, j’ai dit là c’est sérieux. Je ne vais pas rentrer dans les détails.

Mais je vais vous dire ce que moi j’ai dit. J’ai évoqué quatre points dont le dialogue. Ainsi, j’ai dit de ma petite expérience de plus de 15 ans  de la préservation de la paix et l’appel au dialogue, j’ai dit lorsque le dialogue s’arrête, le conflit commence même quand il n’est pas ouvert. Pouvez-vous penser que tout est calme mais quand vous ne vous parlez plus, vous devez savoir que le conflit a commencé. J’ai dit donc (aux nouvelles autorités Ndlr), faites attention ! Ce cadre permanent de dialogue réclamé depuis cinq mois, il faut le mettre en place avec la classe politique.

Deuxième point que j’ai évoqué ce jour-là, c’était le décret. J’ai dit qu’il ne faut pas ouvrir la boite de pandore qui consiste à annuler les décrets signés par les précédents présidents de la République. Parce que ce sera un précédent très fâché. L’esprit humain est très fertile pour inventer…Et j’ai dit personne n’est éternel. Vous-même au pouvoir, un jour vous ne serez pas là. Et en matière de l’exercice du pouvoir,  il faut savoir qu’entre le sublime et le ridicule, il n y a qu’un pas. C’est ce que je leur ai dit.  Pour les décrets, faites pas selon des personnes mais faites selon les principes. Si vous commencez à annuler les décrets, ce sera dangereux pour le pays », aurait-elle conseillé avant de continuer sur le troisième volet de son intervention au Camp Samory.

« Le troisième point concernait les déguerpissements. J’ai dit la façon dont c’est en train de partir, permettez que je vous dise, si les Guinéens vous ont applaudis, tous vous ont porté dans leurs cœurs. Parce que tout le monde commence aujourd’hui à poser des questions. Je dis, c’est vrai que tout le monde parle des deux leaders, Moi, les deux leaders ne sont pas mon problème, parce qu’ils ont là où aller (…) Aujourd’hui vous êtes en train de mettre des milliers de Guinéens dehors.

En Guinée, pour trouver un logement, c’est extrêmement difficile. Même quand vous avez de l’argent. Et quand vous en trouvez, on vous demande un an d’avance. La chaine de dépense est faible. Les gens n’ont pas d’argent, le manger est devenu impossible. Vous avez des veuves avec des enfants qui se retrouvent dans la rue. Vous êtes en train de faire du mal à des milliers de Guinéens.

De par la façon dont cela se fait. Faites attention ! Puisque vous dites vous travaillez pour les Guinéens. Sachez qu’aujourd’hui les Guinéens commencent à se poser des questions…Les Guinéens commencent à avoir peur de votre pouvoir. J’ai fini par la justice. J’ai dit, je suis juriste. Donc j’ai cette déformation de qualification. Des actes et des faits appartiennent aux juges et aux juges seuls. Vous ne pouvez pas qualifier… Nous ne pouvons pas qualifier quel que soit notre niveau intellectuel. Laissez le soin aux juges de qualifier des faits et des actes.

Agissez après le juge ! Parce que la loi est impersonnelle. Il faut que ce soit la loi…J’ai fini en disant qu’ils s’informent un peu plus sur ce qui se passe à la base. Ils sont un peu loin des populations. Ils sont en déphasage avec le peuple. J’ai dit, ouvrez vos téléphones et écoutez les gens !…Fort de mon expérience de la transitions de 2008 avec le CNDD, de Moussa Dadis Camara, je crains aujourd’hui  pour celui qui est là », s’inquiète le leader du FACT qui va ensuite s’adresser au colonel Doumbouya.

« Je vais juste demander au colonel Doumbouya de revoir la copie de son premier discours avant de commencer sa journée. L’introspection est souvent nécessaire. Ça vous permet de revoir ce que vous avez dit avant, ce que vous voulez faire à l’avenir….Il est très important de s’écouter. Ça vous permet de revenir sur vous-même.  Je crois que cette révision chaque matin doit être sa boussole. Qu’il écoute ce qu’il nous a dit le 5 septembre dernier. Lui-même fera la part des choses. Car tout fini par finir »

Pour le cas de l’ancien président Alpha Condé, l’ancienne directrice de campagne  du RPG Arc-en-ciel, regrette qu’il ne soit pas sorti par la grande porte de l’histoire « J’ai eu des larmes  aux yeux quand j’ai vu les dernières images de l’ancien président, Alpha Condé dans l’avion. Qu’on veuille ou pas, nos destins ont été liés. J’ai été sa directrice de campagne. J’assume. Bien qu’on soit séparés, je n’ai jamais été dans l’opposition (les autres partis Ndlr). Sinon depuis janvier 2011, j’ai tourné la page Alpha Condé. Pendant les onze ans, j’ai combattu le tripatouillage de la Constitution. J’ai dit à Alpha Condé de ne pas toucher à la constitution…J’ai rencontré le président français d’alors, François Hollande.  Je lui ai demandé de parler à son ami….Mais hélas ! Aujourd’hui, je lui souhaite prompt rétablissement afin qu’il revienne au pays en bonne santé»

                   

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