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Dossier : L’incohérence de François Soudan face aux allégations de tripatouillage de la constitution en Guinée  

Dans notre dernière livraison sur la série de dossiers concernant le bradage de la bauxite en Guinée, nous avons nommé François Soudan comme étant l’un des hommes d’influence de la gouvernance ambiante à travers ses efforts communication visant à encenser le régime Condé et à endormir l’opinion sur les défis réels du pays. Votre quotidien électronique Guinéenews© poussé son enquête plus loin en essayant d’ouvrir un dialogue avec M. Soudan pour mieux comprendre les bases objectives de son immixtion dans la politique guinéenne et ses prises de position, jugées  « partisanes » par les observateurs.  Avant de vous livrer la teneur de l’entretien exclusif qu’il nous a accordé, nous proposons de brosser un contexte pour nos lecteurs.  Crédit photo : présidence de la République de Guinée.

François Soudan est le directeur de rédaction de l’hebdomadaire « Jeune Afrique ».  Dès sa création le 17 octobre 1960 en Tunisie par Béchir Ben Yahmed, ancien ministre tunisien de la communication, le magazine s’est mis au service de l’émancipation des peuples d’Afrique et s’est consacré à la lutte contre les dictatures qui avaient remplacé le colon sur le continent.  Le fondateur Béchir est actuellement le PDG (président directeur général) du Groupe Jeune Afrique.   

Dans une interview accordée à Christophe Boisbouvier de Radio France International en novembre 2010, Béchir explique la ligne éditoriale envers les despotes du continent : «Je suis fier de l’un de mes premiers éditos, qui m’a valu l’ire de Bourguiba, auquel pourtant je vouais un grand respect et qui m’aimait beaucoup. C’était en 1961.  Il a été publié sous le titre Le pouvoir personnel. Et il est resté célèbre à ce jour : j’y stigmatisais la concentration de pouvoir entre les mains d’un homme. Fût-il éclairé, le despote finit toujours par devenir dictateur…» A la suite de cet édito, Jeune Afrique avait été forcé de s’exiler en Europe. Mais les colonnes du magazine sont restées constantes dans ses dénonciations des despotes du continent. Béchir est particulièrement fier de la contribution de Jeune Afrique dans la lutte contre la dictature en Guinée :«Je pense que nous avons contribué à contenir les effets néfastes du régime de Sékou Touré, même s’il est mort au pouvoir. Jeune Afrique, et pas seulement par l’action de Siradiou Diallo, a contribué à ouvrir les yeux d’une partie des Africains sur cette dictature ignoble, mais aussi sur les dérapages de Mobutu et de BokassaJe pense qu’actuellement Jeune Afrique joue un rôle important pour faire comprendre aux Africains que Kadhafi, c’est une fumisterie. Au Mali, beaucoup pensent que nous avons aidé à faire tomber Moussa Traoré, en 1991.»  

En Guinée, comme dans plusieurs pays en Afrique, Jeune Afrique fut banni par les régimes qu’il attaquait. Sous Sékou Touré, seuls quelques voyageurs pouvaient se procurer le magasine et le passer frauduleusement à la douane. Des groupes clandestins de lecteurs se formaient autour des étudiants et membres de l’élite. Comme il n’y avait pas d’Internet ou de photocopieuses à l’époque, la lecture se faisait à tour de rôle dans des cercles restreints, souvent clandestins. Afin de permettre au maximum de personnes de lire le magazine, les Guinéens avaient développé des techniques de lecture rapide. 

Au fil des ans, Jeune Afrique a rencontré de sérieuses difficultés financières.  Sous l’impulsion de François Soudan, le journal opté pour une solution de compromis : lier sa ligne éditoriale à des poursuites bassement pécuniaires afin de renflouer les caisses du groupe. Béchir Ben Yamedconsidère que ce changement de cap était un mal nécessaire qui n’affecte pas l’indépendance journalistique du magazineMais du compromis à la compromission, il n’y avait qu’un pas qui fut vite franchi par François Soudan en sa qualité de directeur de rédaction. Béchir Ben Yamed connait bien la situation, mais essaye vainement de s’en défendre dans son interview avec Christophe Boisbouvier : « Que Jeune Afrique ait été consciemment mêlé à une compromission, je ne le crois pas. Qu’on ait fait des compromis, qu’on ait tenu compte d’un certain nombre d’impératifs, bien évidemment. Demandez à François Soudan, à Amir ou à Marwane. Je passe mon temps à leur dire : « Attention, là, il y a une limite. »  

Pour illustrer son point sur la « limite », Béchir évoque  la situation désastreuse de la RDC sous Kabila qu’il compare au cas de la Guinée : « Le pays n’est ni gouverné, ni géré. Il est pillé. Il dérape. Et je pense qu’il faut que Jeune Afrique se prononce. Il y a une limite au-delà de laquelle le silence n’est plus possible. C’est un grand pays qui est en train d’être bradé avec la complaisance de la communauté internationale, l’ONU, les États-Unis, la France. Ce malheureux pays connaît la même malédiction que la Guinée. Il est sorti de Mobutu pour tomber dans Kabila. Et cela fait cinquante ans que ça dure… » 

L’opportunité faisant le larron, la « limite » fixée par Béchir est progressivement ignorée par François Soudan qui mêle désormais le journalisme aux services de marketing des despotes du continent. Par conséquent, le nom François Soudan évoque dans plusieurs milieux africains le profil d’un personnage controversé et sans retenue sur ses prises de positions extrêmement partisanes sur les questions politiques dans les pays  il détient des contrats de communication.  Il est souvent accusé d’être « un mercenaire de la plume en service commandé d’un régime », « une plume barbouzarde » et un « publireporter au service des despotes ». Il est devenu dans plusieurs pays africains, la bête noire des forces vives du changement. 

Quand Denis Sassou N’Guesso de la République du Congo a voulu tripatouiller la Constitution pour se maintenir au pouvoir jusqu’à 2031 (après près de 30 ans de pouvoir continu), il a fait recours aux services de la plume de François Soudan.  Thomas Hufnun, dans un article paru le 11 décembre 2015 dans le Mondeexplique comment François Soudan utilise l’approche des griots d’antan pour encourager les despotes africains à tripatouiller la Constitution de leur pays afin de s’octroyer une présidence à vie. Voici comment François Soudan décrit son obligé Sassou avant la bataille du référendum constitutionnel: « Trempé, stoïque mais heureux, c’est un Denis Sassou-Nguesso nu tête et incurablement élégant qui, debout dans son véhicule de commandement, a passé en revue les troupes (…), droit comme un baobab sous l’averse équatorialeCe soir de fête nationale, il dansera la rumba sous l’œil de ses hôtes épuisés. Qui a dit que la panthère mbochie avait troqué ses griffes pour les pattes de velours d’un matou de compagnie ? » 

Cap au Rwanda, où Paul Kagamé veut se maintenir au pouvoir.  Malgré sa popularité acquise sur la base de son leadership transformateur pour son paysKagamé fait quand même appel aux services de griot de François Soudan pour « vendre » l’idée de tripatouiller la Constitution à la communauté internationale.  Dans la préface à l’interview de Kagamé publiée par Jeune Afrique le 29 mai 2015, François Soudan écrivait : « une paysanne déclare publiquement qu’elle se suicidera s’il ne se présente pas pour un autre mandat, un homme d’affaires déclare qu’il s’exilera, des soldats menacent de déserter et des opinions en faveur de son maintien au pouvoir se sont multipliées sur les radios et les journaux en kinyarwanda…Le « désir de Kagamé » est vraiment là ; peu importe s’il faut modifier la Constitution, qui interdit aujourd’hui au président en exercice de se présenter pour un troisième mandat. Les raisons : les réussites économiques et sociales positives indéniables de l’homme qui règne avec une poigne de fer depuis 15 ans, mais aussi et surtout de la peur du vide pour un pays encore traumatisé par des souvenirs de génocideKagamé est une assurance vie qui garantit ordre et progrès. Beaucoup [d’entre eux] pensent que si « le Lee Kuan Yew du Rwanda » se retirait, ce serait le début d’une nouvelle saison de machettes. » 

Curieusement, ceux qui n’ont pas de contrats de communication avec Jeune Afrique sont traités avec la rigueur qu’il sied.  Dans un éditorial en date du 15 janvier 2018 intitulé : « RDC : il est minuit, M. Kabila», François Soudan écrivait : « Une seule chose paraît acquise : Joseph Kabila ne sera pas candidat à son propre remplacement. À moins d’établir une dictature militaire sanglante, toute velléité de déverrouiller le numerus clausus constitutionnel des mandats est inconcevable. »   

Au Burkina Faso, Blaise Compaoré avait été abandonné à lui-même au moment où il organisait son referendum pour tripatouiller la Consultation afin de rester au pouvoir à vie. Le 30 octobre 2014, les opposants à la présidence à vie prennent d’assaut l’Assemblée nationale pour empêcher le vote.  Le lendemain, le balai citoyen chasse Blaise Compaoré et son régime. Peut-être que les choses se passeraient autrement si les services de communication de Jeune Afrique avaient été mis à profit.  

C’est en Guinée que l’affairisme de François Soudan avec les régimes en manque de résultats trouvera son terreau le plus fertile Avec un budget de 103,8 milliards de francs mis à la disposition du  président de la République pour l’exercice 2019, sans compter les dépenses extrabudgétairesles ressources pour la communication ne manquent pasC’est pourquoi le  régime a optéà défaut de résultats, de faire la communication à outrance à l’internationale et les propagandes politiques à l’intérieur du pays. Jeune Afriqueà travers François Soudan, est probablement le plus gros bénéficiaire du budget de communication à cet effet. Il est rare de voir un numéro du magazine Jeune Afrique sans un article complaisant sur le régime Condé.  Régulièrement, le régime Condé a acheté des dizaines de pages publicitaires et de suppléments spéciaux sur la Guinée. Au moins deux fois par an, Alpha Condé apparait sur la couverture du magazine, avec des articles élogieux sur son leadership exceptionnel. Nous en sommes au point où pour bon nombre de Guinéens, Jeune Afrique est devenu méconnaissableabandonnant le journalisme professionnel pour le journalisme alimentaire qui était censé être le lot des journaux locaux marginaux en ligne qui vivent des subventions du régime.   

Dès 2017, François Soudan se positionne en porte-voix internationale du régime Condé pour la défense du tripatouillage de la Constitution.  Dans un éditorial en date du 31 octobre 2017 intitulé : « Alpha Condé : Les problèmes africains doivent se régler en Afrique »François Soudan, annonce au monde les grands succès des voyages du président guinéen: « Aussi est-il revenu de Pékin avec un méga prêt de 20 milliards de dollars sur vingt ans, de Moscou avec l’effacement des intérêts de la dette et des projets de construction d’hôpitaux et de casernes, de New York avec la promesse d’un engagement de l’Eximbank à accompagner les investisseurs américains en Guinée. De quoi fouetter une activité économique qui, portée par un taux de croissance honorable de 6,7 % en 2017, rebondit enfin. »   

Dans un autre éditorial en date du 14 aout 2017 intitulé « Élections : quand les chefs ne méritent pas leur peuple », François Soudan lève un coin de voile sur sa philosophie envers la démocratie en Afrique. Il commence par relativiser l’importance de la fraude électorale dans les élections récentes en Afrique : « Y a-til eu fraude ? C’est possible. Au point d’inverser les résultats ? Sans doute pas. Et quand bien même, puisqu’au risque de choquer, il est possible de considérer la fraude comme un… progrès ! […] Soyons réalistes : si les vainqueurs ont parfois recours à la corruption électorale sous toutes ses formes (argent, trucages divers, charcutage des circonscriptions, etc.), les vaincus aussi, dès que l’occasion se présente ou qu’ils sont en position de le faire. Ce n’est donc pas la présence de fraudes qui délimite le seuil de l’acceptable entre une élection « normale » et un simulacre de scrutin, mais le degré d’égalité des concurrents devant la fraude »François Soudan n’a pas d’objection au recours à l’ethno-stratégie par les régimes africains : « Au risque – encore – de l’inconvenance, ajoutons que le vote communautaire (ou ethnique), considéré comme la clé du scrutin kényan, n’a rien d’irrationnel ni d’antinomique avec le vote d’opinion. À condition que le marché politique soit libre, ce qui est le cas au Kenya comme au Sénégal, et que le secret du choix soit garanti, voter pour le candidat du groupe auquel on appartient n’est en Afrique ni grégaire ni contraire au fonctionnement de la démocratie ».  François Soudan déplore aussi l’importance que les Africains accordent à leurs élections : « Les Africains traitent l’exercice électoral avec un respect, une révérence et un sérieux depuis longtemps oubliés en Occident, au point que l’on est fondé à se demander s’ils ne sont pas plus prêts pour la démocratie que leurs propres dirigeants. Un peuple a le chef qu’il mérite, dit l’adage. En Afrique, bien souvent, les chefs ne méritent pas leur peuple. »   

Cependant, quand ça arrange ses clientsFrançois est prêt pour  chanter une note contraire.  Dans un article en date du 12 février 2018 intitulé « Élections en Guinée : la rue contre les urnes », François Soudan fustige l’opposition guinéenne et stigmatise l’ethnie peule pour son opposition supposée aux plans du régime d’Alpha Condé. Selon l’article, l’UFDG, parti d’une communauté, aà sa disposition les jeunes des « gangs de l’Axe », qualifiés d« insurgés permanents du “ghetto” peul » qui « sèment le désordre pour déstabiliser le pouvoir d’ [Alpha Condé] », dans le cadre d’une « stratégie de tension délibérément choisie par le principal parti d’opposition et son chef ». Toujours en train de souffler les braises des divisions ethniques au profit du régimeFrançois Soudan soutient que « Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré bénéficient d’un vote communautaire, peul pour le premier, soussou pour le second, avec ses avantages et ses limites, alors qu’Alpha Condé, tout en conservant la loyauté de son bastion de Haute-Guinée, déborde de l’électorat malinké pour mordre largement sur ceux de Guinée Forestière et de Guinée Maritime. » 

A l’occasion de la fête-anniversaire du 2 octobre 2018, c’est à peine si François Soudan n’élevé Alpha Condé au rang d’un « dieu » omnipotentomniprésent et omniscient. Dans son éditorial titré « Alpha Condé, omniprésident »il vante l’approche du président Condé comme étant « à la fois directive sur le plan économique, en s’impliquant personnellement auprès des investisseurs et des bailleurs de fonds, et souple sur le plan politique, en évitant autant que possible les rapports de force avec une opposition aux aguets du moindre de ses faux pas »Il verse ensuite dans le griotisme pour vanter le bilan d’Alpha Condé : « sur tous les plans, les Guinéens se portent infiniment mieux aujourd’hui qu’en 2010, quand Alpha Condé a reçu en héritage un État en lambeaux et une nation déchirée. Le fait d’avoir à leur tête un homme qui a connu et traversé, un demi-siècle durant, les mêmes espoirs, les mêmes déceptions et les mêmes vicissitudes qu’eux y est sans doute pour beaucoup». Les Guinéens ne perdent pas de vue que le point de référence pour les améliorations supposées du régime Condé est l’année sombre de fin de régime militaire, quand la Guinée avait pratiquement cessé d’être un Etat fonctionnel. François Soudan se garde bien de comparer le progrès sous Alpha Condé à celui de ses pairs dans les pays sortis de guerres, tels que la Sierra Leone, le Liberia, ou la Côte d’Ivoire. 

Au moment  la Guinée sdistinguait tristement comme le pays où la jeunesse d’espérée était la plus susceptible de mourir dans les mers en tentant démigrer vers Europe, François Soudan se fend d’un éditorial : « La Guinée, tu l’aimes ou tu la quittes… » en date du 14 mars 2018  il défend le régime : « Le gouvernement en est conscient et le président Alpha Condé au premier chef : à Conakry comme dans toutes les capitales de la région, l’emploi des jeunes est une absolue priorité, à la mesure de l’exception démographique africaine ». Comme d’habitude, il verse dans le griotisme plutôt que de s’en tenir aux faits : « Entre 2010 – année du départ des militaires et de l’accession d’Alpha Condé au pouvoir – et aujourd’hui, la Guinée a gagné vingt places au classement « Doing Business » de la Banque mondiale, mesurant la facilité à y faire des affaires, seize dans celui de Transparency International, douze dans l’index de Reporters sans frontières. Négatif il y a huit ans, son taux de croissance navigue aujourd’hui entre 6 % et 7 % ». En réalitéFrançois Soudan occulte le fait que dans le classement « Doing Business », la Guinée occupe le bas du peloton avec son piètre classement de 152/190 (derrière le Mali, la Gambie, le Burkina Faso) et son score de 51,51/100 qui est en-dessous de la moyenne de toute l’Afrique Dans l’Index Transparency International, le score de la Guinée est 28/100 avec le rang de 138/180. La Guinée demeure le pays le plus corrompu de la sous-région selon l’index.  Son score de 28/100 en 2019 est inférieur à celui de la Sierra Leone (30/100), du Libéria (32/100), et du Mali (32/100) sans parler du Sénégal ou la Côte d’Ivoire.  Depuis 2011, le score n’a évolué que de 4 points. 

Dans un autre éditorial en date du 26 mars 2018, sous le titre « L’ère du néo-despotisme éclairé », François Soudan trahit sa préférence pour les dictateurs. Il analyse les modèles de la Chine, la Russie et la Turquie en ces termes : « Premier point : aux yeux d’une majorité de leurs concitoyens, pour qui mieux vaut un leader fort, stable et performant qu’un système démocratique faible et corruptible, tous trois sont légitimes. On peut le regretter et estimer que la majorité a tort, mais c’est essentiel. Deuxième caractéristique : ces « néo-despotes éclairés » ont tiré les leçons de la « théorie de la modernisation » du sociologue allemand Max Weber, selon laquelle à l’élévation du niveau de vie d’une population doit correspondre une élévation du niveau des libertés publiques. Faute de pouvoir acheter la soumission d’un peuple (ce que seules les pétromonarchies du Golfe ont encore les moyens de faire), force est donc d’offrir à leurs administrés une dose calculée et encadrée de liberté d’expression… ». Même s’il reconnait que « Les néo-despotismes sont éclairés tant que les leaders leur fournissent de l’électricité. Lorsque usés par l’âge, minés par la maladie ou rattrapés par la Faucheuse, ces derniers s’éteignent, c’est le trou noir », il est prêt, moyennant un contrat juteux, d’aider le vieil homme Alpha Condé à l’âge de plus de 80 ans, de chercher à faire sauter les verrous constitutionnels pour s’offrir  la présidence à vie.  

En 2019, Jeune Afrique ouvre encore grandement ses colonnes pour leservices payants du régime CondéDans le journal, les articles prétendant être des nouvelles sérieuses sont entrelacés de pages publicitaires, d’éditoriaux complaisants, et d’interviews flatteuses à la gloire d’Alpha Condé et son régime.  Le numéro JA 3044 du 12 au 18 mai 2019 en est une parfaite illustration. Dans ce méli-mélo étrange de « fake news », François Soudan se fend d’un éditorialadressé principalement aux Guinéens qui entendent s’opposer au tripatouillage constitutionnel planifié par le régime. Dans l’édito intitulé « Ne pas se tromper de combat »François Soudan fait preuve de peu d’honnêteté intellectuelle ou journalistique. Pour convaincre les Guinéens à soutenir le plan du régime Condé, Soudan se base sur un rapport de la Banque Africaine de Développement (BAD) intitulé « Guinée – Revue Synthétique des Résultats 2007-2018 ».  Le rapport était rédigé pour montrer l’appui de la BAD en Guinée et parle de résultats invraisemblables acquis grâce à la BAD, notamment les améliorations extraordinaires dans la desserte en électricité (495 000 personnes, dont la moitié de femmes, ont bénéficié de connexions nouvelles ou améliorées au réseau électrique), 475 000 personnes ayant bénéficié de progrès en agriculture, de 575 000 personnes ayant un meilleur accès à l’éducation et de 465 000 personnes ayant un accès nouveau ou amélioré à l’eau et à l’assainissement. Ces chiffres ne sont pas vérifiables, et d’ailleurs la BAD déclare clairement un avertissement en préambule du rapport : « Les points de vue exprimés dans la présente publication sont ceux des auteurs et ne reflètent pas nécessairement les opinions et les politiques de la Banque africaine de développement (BAD), de son Conseil des gouverneurs, de son Conseil d’administration ni des gouvernements qu’ils représentent. La BAD et son Conseil d’administration ne garantissent pas l’exactitude des données figurant dans cette publication et déclinent toute responsabilité liée à une quelconque conséquence de leur utilisation. »  Oubliant les précautions ordinaires d’un bon journaliste, François Soudan ignore l’avertissement et exploite l’information pour la propagande du régime.  C’est sur la base de ce rapport donc qu’il conclue que la Guinée sous Alpha Condé « semble s’ancrer dans un cycle économique vertueux, pour la première fois depuis l’indépendance ; loin des calamiteuses années Lansana Conté, quand le revenu annuel par tête d’une Guinée pillée par ses gouvernants plafonnait au-dessous des 470 dollars (contre plus de 800 aujourd’hui). » Il se garde bien de parler de la croissance appauvrissante portée essentiellement par la bauxite brute avec de gros coûts environnementaux et sociauxainsi que des scandales de mauvaise gouvernance qui rappellent les pires moments du régime Conté.   

Se faisant l’écho des partisans du tripatouillage constitutionnel, il poursuit : « Une chose est sûre : c’est en s’appuyant sur ce bilan et sur la nécessité, à leurs yeux, de voir Alpha Condé continuer son œuvre que ses partisans ont entamé une campagne visant à modifier la Loi fondamentale. »  Mais il a aussi des conseils pour ceux qui s’opposent au changement de Constitution en vue d’une présidence à vie.  Il propose à ceux-ci une voie « moins anxiogène », celle d’avoir foi aux urnes.  Lui qui méprise la voie des urnes, relativise les fraudes électorales et l’instrumentation des divisions ethniques à des fins politiques conseille auGuinéens de croire en la capacité du régime d’Alpha Condé, bien rodé aux techniques de fraudes électorales, d’organiser des élections libres, transparentes, et acceptées de tousAlpha Condé est décidé de ne jamais perdre des élections qu’il organise. A cet effet, il a réussi à vassaliser la classe politique et les institutions démocratiques, de la CENI (commission électorale nationale indépendante) à l’Assemblée Nationale, jusqu’à la cour constitutionnelle. Conscient que le rapport de force électoral est historiquement en faveur du régime qui contrôle la machine de la fraude, Soudan veut pousser les Guinéens au fait accompli en prônant le scrutin dans la fraude ambiante.  Il compte ainsi servir Alpha Condé en niant aux Guinéens le genre d’alternance et de progrès démocratiques que les pays voisins ont connu. Les peuples léonaislibérienssénégalais, ivoiriens et gambiens se sont levés comme un seul homme pour réclamer une alternance politiqueLe peuple burkinabé dans une situation pareille n’a pas attendu les urnes. Il a empêché la fraude électorale de se tenir, au point de bruler le parlement qui servait de théâtre au simulacre de vote.  En Algérie et au Soudan le peuple n’a pas attendu les urnes pour tuer dans l’œuf les velléités de tripatouillage constitutionnel 

Au lieu d’encourager Alpha Condé à considérer une sortie honorable qui permettrait à la Guinée de renforcer son ancrage démocratiqueFrançois Soudan multiplie les efforts de communication au profit du troisième mandat. Sa dernière action qui consiste à soigner l’image du Président Guinéen est un long entretien accordé par Alpha Condé. Cet entretien complaisant sera transformé en un livre Alpha Condé. Une certaine idée de la Guinée. Alpha Condé y est peint comme un « omni président », un leader indispensable qui a fortement marqué et continuera de marquet l’histoire de son pays. Le livre est préfacé par Albert Bourgiun autre ami d’Alpha Condé. Mais la recette fera flop parmi les Guinéens qui se rendent compte de la supercherie.  «Dans les extraits du livre commandité par Alpha Condé à ses amis, pour 90% des guinéens, il s’agit d’histoires anciennes tronquées. Ce n’est pas la Guinée d’aujourd’hui. Ce qui aurait intéressé les guinéens, ç’aurait été : ‘9 ans après : voilà ce que j’ai fait de mon pays »déclarait l’opposant Sidya Touré.  Pour sa part, Blandine Leger publie le 13 juin 2019 une contre-enquête dans Mediapart qu’elle préface comme suit : « Dans son nouveau livre d’entretien « Alpha Condé. Une certaine idée de la Guinée », François Soudan, directeur de la rédaction du groupe Jeune Afrique et ami intime d’Alpha Condé tente de légitimer le changement constitutionnel voulu par le chef d’Etat guinéen en faisant référence à son passé d’opposant. Que reste-t-il aujourd’hui des valeurs démocratiques défendues autrefois par Alpha ? » 

Cette enquête sur les prises de position de François Soudan était nécessaire pour cadrer l’interview qu’il a accordée à Guinéenews© et qui sera publiée ultérieurement.  Le mépris pour la Guinée et les Guinéens qui a ponctué l’interview, l’assurance de connaitre ce qui est bon pour le pays, et l’immixtion dans les affaires politiques pour des raisons bassement pécuniaires devraient interpeller les Guinéens sur les influences des réseaux occultes dans les hauts sommets de l’Etat.  

L’équipe de rédaction de Guinéenews© 

  

 

 

 

 

 

 

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