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Dossier-Guinée : le fond de l’incompréhension entre pouvoir central et Labé (du référendum à nos jours)

C’est un secret de polichinelle, depuis le vote historique de 1958, la ville de Labé est considérée comme l’éternel bastion de l’opposition en République de Guinée c’est-à-dire une épine sous le pied des différents régimes qui se sont succédés à la tête de notre chère nation. Cela est une réalité qui s’est matérialisée de la première à l’actuelle République dirigée par le professeur Alpha Condé en passant bien sûr par le régime du général Lansana Conté et même celui des putschistes qui ont tous été confrontés à une opposition intraitable dans la capitale du Foutah Djallon.

Tout aurait commencé en 1958 lors du référendum historique qui a permis à la Guinée de recouvrer son indépendance vis-à-vis de la métropole. Ce, à travers un référendum initié et proposé par la République Française à ses multiples colonies Africaines. Pour rappel, il s’agissait là de choisir entre la proposition de la communauté Française et l’indépendance pure et simple des colonies. Car selon nos informations, beaucoup de Français trouvaient à l’époque que les colonies étaient une charge supplémentaire pour la France.

« Une partie des Français était anticolonialiste pour des raisons différentes. Les communistes par idéologie maintenaient. Quant au parti nationaliste Français, les colonies coûtent plus chères à la France que l’inverse. Donc, il faut s’en débarrasser. Pompidou était de cette partie et lui-même était un banquier c’est-à-dire un financier de formation », rappelle le doyen Ibrahima Bah Caba, fonctionnaire à la retraite.

Pourquoi donc une bonne partie de la population de Labé a préféré en 1958 la proposition de la métropole en lieu et place de l’indépendance ? La question reste entière et la Rédaction Régionale de votre quotidien électronique Guinéenews a voulu à travers ce dossier exclusif éclairer la lanterne des un et des autres sur les motivations d’une telle entreprise et les conséquences que cela a engendré sur le Foutah Djallon en général et la région administrative de Labé en particulier.

Ainsi, le référendum en question fut proposé aux colonies Françaises en 1958. En Guinée, sur les 26 circonscriptions ayant pris part à ce référendum ; Labé, mais aussi Pita ont été les rares préfectures à avoir amassé un nombre non négligeable de oui à la proposition de la France. c’est-à-dire non à l’indépendance. Les chiffres disponibles et vérifiables du référendum en font foi. Sur 68 471 votants, 27 440 électeurs ont voté oui à la proposition de la France contre 40 143 non ; devant Pita avec 3 117 oui contre 48 634 non. Contrairement à ce deux, les 24 autres préfectures de la Guinée comme Dalaba, Boké, Gueckédou, Faranah ont respectivement enregistré de très faible taux de oui à la proposition de la métropole. Pour exemple à Gueckédou, c’est un seul oui contre 57 070 non et zéro oui contre 33 124 non à Faranah a-t-on appris de sources concordantes.

« Donc à Labé ici il y a eu une campagne à laquelle j’ai participé avant de partir en vacances. Et cette campagne c’était pour motiver les gens à voter oui à l’indépendance. Donc, malgré cette campagne Labé a beaucoup voté oui à la colonisation en tout cas il y a eu un fort contingent qui a voté oui à la colonisation» clare El Hadj Bah Caba avant de soutenir qu’il s’agissait en général des anciens chefs ; «enfin les vieux quoi ; les chefs de cantons en majorité. Donc chacun a suivi sa compréhension de la chose. C’est-à-dire à Labé ici, il y a la liberté de penser » ajoute-t-il.

Ancien maire de la commune urbaine de Labé et également fonctionnaire à la retraite, Mr Ibrahima Sampiring Diallo est pratiquement sur la même longueur d’onde que son prédécesseur: « c’est parce que vous savez avec la loi-cadre Gaston Defferre; la chefferie traditionnelle a été évincée. Et quand on a évincé la chefferie traditionnelle, c’était au temps où Keita Fodéba était le ministre de l’Intérieur et de la sécurité. Donc c’est ce dernier qui a pris la décision. Donc, pourquoi avait-on demandé à sensibiliser la population autour du référendum du 28 septembre ? Parce que la chefferie traditionnelle venait d’être évincée en 1957. Donc y avaient beaucoup de chefs de cantons, beaucoup de chefs de villages, beaucoup de chefs traditionnels, coutumiers mécontents. Et leurs familles, avec leurs alliés ça faisait un nombre important pour le scrutin du 28 septembre. Ensuite, les anciens combattants qui ont fait la Première Guerre mondiale, ceux qui ont fait la Seconde Guerre mondiale se sont dit que si jamais la Guinée votait non, qu’ils n’allaient plus récupérer leur pension militaire. Donc, y avait tout ce monde réuni contre l’indépendance », entame-t-il.

« C’était un poids assez lourd. Il fallait donc désamorcer cette menace provoquée par ces catégories-là. Et il ne faut pas oublier non plus qu’il y avait beaucoup de nos parents qui pensaient que voté pour l’indépendance alors qu’on ne voit pas une usine qui fabrique une aiguille, qui fabrique une allumette, qui fabrique un véhicule, qui fabrique une bicyclette, … comment on allait vivre ? On allait certainement retourner à l’État sauvage pour ainsi dire. Donc ils étaient inquiets. Donc, c’est ce qui explique en réalité le vote massif en faveur du non à l’indépendance à Labé » justifie le doyen Ibrahima Samapiring Diallo.

Les lourdes conséquences de ce oui à la communauté Française !

Ce vote massif  en faveur du oui à la communauté Française a par la suite véritablement compliqué les relations entre le pouvoir révolutionnaire dirigé par Ahmed Sekou Touré et la ville de Labé qui vraisemblablement a été considérée comme une menace à la révolution. Ainsi, le climat est pratiquement resté tendu entre le pouvoir centrale et cette partie de la Guinée jusqu’à la fin de la première République.

« Même au temps du premier président de la Guinée et bien que Saifounlaye était là considéré comme la deuxième personnalité du Pays, mais Labé était toujours soudée au Sénégal alors que le Sénégal était un bastion de la France ; donc les gens ont toujours tendance à dire que Labé n’a jamais aimé l’indépendance et que Labé n’a pas du tout aimé la révolution. Et les gens ont pris ça comme une opposition au régime. Peut-être que les gens de Labé remarquent une injustice au niveau des différentes couches sociales du pays. C’est cette injustice qui pousse Labé à marquer une certaine distance. Si, la justice était là, les répartitions du patrimoine national étaient équitables, je pense que Labé n’allait pas avoir cette position », estime le doyen Morou Sow, membre de la précédente délégation spéciale de Labé.

Revenant à la charge, El Hadj Ibrahima Sampiring Diallo renchérit en ces termes : « avec l’indépendance on a cherché à consolider la nation Guinéenne. Il y a eu un problème de gestion du pays. Donc, les ressources du pays et le choix des cadres, quand on examine les statistiques alors qu’à l’époque jusqu’à maintenant l’ethnie peule était la plus nombreuse. Quand on constate au niveau de la répartition des cadres au niveau national ; quand on voit ce que le budget national est en train de supporter par rapport au développement des communautés, on se rend compte que Labé et beaucoup d’autres régions ont été lésé. Donc si les gens ont pris conscience de cela il va sans dire qu’ils ne vont pas apprécier. Deuxièmement n’oubliez pas qu’avec le régime de Sekou Touré nous avons connu ce qu’on a appelé le racisme peulh. Les gens ont été obligés de fuir, il y a des gens qui étaient obligés de changer de nom pour avoir des bourses d’études. Donc, ces gens-là n’étaient pas à l’aise avec les différents régimes qui se sont succédés. Sinon Labé est la ville la plus facile à gérer. Le Foutah d’une manière générale est une région facile à gérer. Mais quand les gens prennent conscience de l’injustice qu’il y a dans la répartition des ressources nationales, ils prennent des positions », soutient-il.

Mais pas qu’au temps du premier régime, Labé serait toujours entrain de payer cher le résultat de ce référendum. « Moi j’ai été responsable du PDG (parti démocratique de Guinée), membre du bureau fédéral du PDG. Ensuite, pendant la deuxième république avec le régime du général Lansana Conté j’ai été maire de Labé et en même temps militants et responsable d’un parti de l’opposition qui était d’abord le PRP (Parti du Renouveau et du Progrès) et ensuite l’UPR (Union Pour le Renouveau et le Progrès). Je sais les difficultés que nous avons eues pour avoir un peu de ressources nationales. Donc, quand ça fait défaut, le peuple ne se soulève pas parce qu’il n’a pas cette mentalité mais, vouloir aimer, ça c’est un autre problème. Regardez aujourd’hui par exemple quand vous écoutez la population de Labé, quel est le problème qui revient souvent. On a organisé une fête tournante au niveau des chefs lieu. Labé a toujours souhaité en tout cas la population a toujours souhaité qu’on organise un anniversaire à Labé et que Labé bénéficie aussi des infrastructures qui ont été réalisés par ci et par là. Et quand ça fait défaut, le peuple se pose la question pourquoi ça. Donc en réalité c’est le manque d’étude sociologique du milieu au niveau des dirigeants peut-être même qu’il y a un problème de volonté politique, c’est ce qui fait que pour le pouvoir Labé est hostile et pour le Foutah Labé est marginalisé » conclut-il.

En plus des conséquences du vote historique de 1958, le fossé continu à s’élargir entre la ville de Labé en général et le pouvoir exécutif. Une situation qui nécessiterait une profonde étude sociologique et pourquoi pas un débat franc pour des solutions apaisées.

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