De l’or à Fayalala, du bonheur ou de la malédiction?
La pollution de l’eau : la présence du parc à boue de la SMD mis en cause
Et de poursuivre: «nous n’avons pas de centre de santé, ni eau, ni courant. Aujourd’hui, beaucoup voulaient s’installer ici, mais ils ont tous peur du fait que nous ayons le cyanure non loin de nous. Ceux qui viennent nous rendre visite, n’osent pas boire notre eau. Ils estiment que l’eau que nous buvons contient du cyanure. La société nous a offert deux forages mais très malheureusement, ces eaux ne sont pas buvables. »
Emploi au sein de l’entreprise, les villageois de Fayalala s’estiment lésés par la SMD
A la question de comprendre comment ils ont compris que les déchets de l’usine sont hautement toxiques, M. Kéita explique : «nous nous sommes rendu compte lorsque nous avons remarqué que nos animaux mouraient par vagues. La société nous avait pourtant rassurés que cette eau est propre.»
Les premiers impacts de la pollution au cyanure, selon les habitants
Quand les femmes se posent en martyrs de la pollution d’eau
Sous l’anonymat, des travailleurs dénoncent leurs conditions de travail
Des révélations sur le traitement du personnel au service et dans les domiciles
Quelques travailleurs qui ont requis l’anonymat ont révélé quelques difficultés auxquelles ils sont confrontés dans les lieux de travail tout comme à domicile. «Il y a des poussières partout, à domicile tout comme dans l’usine alors que nous ne sommes pas approvisionnés en lait. La SMD n’arrose pas régulièrement la ville. Souvent il faut que la jeunesse se lève pour qu’ils commencent à arroser. A la SMD, seuls les embauchés ont une prise en charge sanitaire de 50%. Les stagiaires, les sous-traitants et les journaliers sont laissés pour compte», a-t-il dénoncé.
Un autre personnel, une dame qui travaille à la SMD depuis trois ans et ayant requis l’anonymat, s’est prononcée sur les difficultés auxquelles sont confrontées leurs familles. «Nos familles souffrent beaucoup avant d’accéder aux soins à l’hôpital. Ils peuvent passer toute la journée à attendre. Les visites débutent à 10 heures, si le mari ou la femme ne travaille pas à la SMD, les médecins n’ont aucune considération pour le patient», a-t-elle fustigé.
«Il y a trop de poussières dans l’usine alors que nous sommes sous-équipés. Ils ne nous donnent que la tenue, les bottes, les lunettes et les cache-nez. Pour avoir un masque à poussière, c’est un véritable combat. Le hic, il n’est pas aussi individuel, plusieurs personnes peuvent utiliser un seul masque à poussière. Ce qui fait que les risques de contamination sont très élevés. Nous utilisons assez de produits hautement toxiques mais, c’est seulement le blouson, le masque à gaz et les gants qu’ils nous donnent. Nous utilisons la soude caustique, l’acide chlorhydrique et l’hydrate de plomb. Ce dernier même peut rendre l’homme stérile», à-t-elle dénoncé.
Et son camarade de renchérir : «la société exploite beaucoup les stagiaires et les sous-traitants. Le stage peut aller des fois jusqu’à deux ans et demi. Les stagiaires travaillent plus que les embauchés alors qu’ils ne sont pas bien traités. Ils sont payés à 450 mille francs guinéens par mois et ils ne sont pas pris en charge quand ils tombent malades.»
Les contributions de la SMD au développement de la communauté, selon le Responsable des relations communautaires
-De nombreuses Infrastructures réalisées
«La société a réalisé des infrastructures sociales notamment des écoles, les structures de santé, l’accès à l’eau potable ainsi que l’accompagnement de la communauté dans toutes leurs initiatives, qu’elles soient agricoles bref, des activités génératrices de revenus. Au-delà de la construction, de la rénovation des écoles et de leur dotation en fournitures scolaires, nous avons également un volet très important qui consiste à l’accompagnement des enseignants dans les communautés situées autour de l’usine. Depuis 2006, la société paie une prime d’encouragement aux enseignants au nombre de 77 (…). Chaque année, nous offrons des kits scolaires à 15 établissements d’enseignement et 3 000 élèves en bénéficient», a-t-il rappelé à l’entame de son intervention.
En matière de santé, M. Diallo a affirmé que la SMD offre gratuitement des soins à la population de Léro avant d’ajouter que la société a réalisé une quarantaine de forages, dont 23 à Léro-ville.
-Les jeunes ne sont pas laissés pour compte
A en croire Thierno Abdoulaye Diallo, la jeunesse n’est pas laissée pour compte. Elle a bénéficié des infrastructures notamment le terrain de football de Léro-centre et celui de Sigurini, construits par la SMD et qui ont même abrité les compétitions du championnat de deuxième division (…). «Nous organisons des séances de formation à l’intention des jeunes parce que nous recevons de nombreuses demandes d’emploi que nous ne pouvons pas toutes satisfaire…»
-Des routes reprofilées
Sur la question liée aux routes, Elhadj Diallo a reconnu qu’elles ne sont pas bitumées, mais qu’elles reçoivent chaque année des activités de reprofilage à hauteur de 5 millions de dollars. «C’est vrai, la route n’est sont pas bitumée, c’est une route qui fait environ 200 kilomètres. C’est-à-dire de Bissikrima à Léro. Elle est régulièrement entretenue par la SMD. Chaque année, il y a des travaux d’entretien qui sont exécutés et qui coûtent en moyenne 5 millions de dollars à la société. A Léro et les autres villages voisins, nous procédons à des activités de reprofilage et même d’ouverture de pistes», a-t-il dit, tout en indiquant qu’il n’a pas de réponse technique au manque de dispensaire dans le village de Fayalala,
Revenant sur la question de l’emploi des jeunes, M. Diallo a été très clair. Il a fait comprendre que cette question relève de la direction des ressources humaines de la SMD. Toutefois, il dira qu’ils ont un volet dans lequel est associé, l’emploi communautaire. Selon lui, il s’agit des emplois qui ne demandent pas forcément de qualification.
«Nous avons une procédure de recrutement communautaire qui est en droite ligne avec le code minier et le contenu local qui disent que tous les emplois non-qualifiés sont exclusivement réservés aux communautés qui entourent la société. Le village Fayalala en fait partie. J’ai une liste où il y a une dizaine d’employés natifs de Fayalala. Même ce matin, nous étions avec les responsables du village-carrefour et nous parlions d’emploi communautaire. Nous avons six postes non-qualifiés qui sont disponibles et nous avons attribué entièrement au village Fayalala compte tenu de sa proximité avec l’usine et il n’est pas aussi loin de notre parc à boue. Il subit donc les effets de la production», a-t-il expliqué.
Les vérités de la délégation syndicale de la SMD
Et de poursuivre : «Dans le cadre du travail, il ne faut pas le cacher, certaines dispositions du code de travail ne sont pas respectées. Il y a des postes occupés par les expatriés et qui devaient normalement revenir de droit aux Guinéens. La formation des Nationaux et leur responsabilisation à certains postes. Il y a un autre problème très essentiel qui est celui de la santé. Contrairement à nos amis des autres sociétés, la SAG et la CBG, nous avons un déficit à ce niveau et nous étions récemment en discussion avec la direction générale. L’exploitation minière est l’ennemi principal de l’environnement, les poussières nous les respirons à longueur de journée. Presque tout le monde est enrhumé malgré que la société nous dote d’équipements de protection individuelle.»
Plus loin, le syndicaliste Momo Bangoura a aussi dénoncé certaines pratiques qui se passent au sein de l’usine. «Ici, il y a des stagiaires qui font plus d’un an de stage, chose qui n’est pas normale. Ce qui est aussi grave, c’est de responsabiliser un stagiaire à un poste et le faire travailler même la nuit. Ce sont des pratiques qui se passent ici que nous avons dénoncées. Et nous avons même écrit à trois reprises à l’inspection générale du Travail sans succès», a-t-il regretté.
‘’En matière de respect de l’environnement, la SMD respecte les limites et normes prescrites par l’Etat guinéen’’
«C’est notre parc à boue. Le cyanure, c’est de l’argent, ce sont des produits chimiques qui coûtent cher. Nous ne pouvons pas nous permettre d’acheter des produits et les déverser. Ce sont nos résidus boueux, l’usine traite le minerai et après avoir extrait l’or, elle rejette cette partie boueuse de la terre et d’autres résidus chimiques. Alors, ce parc à boue a été établi sur la base des études qui ont été menées et qui ont fait l’objet d’étude d’impact environnemental. Le point à signaler est que notre parc à boue est suivi régulièrement, on fait l’analyse des eaux de surface et des eaux souterraines. C’est-à-dire, nous suivons quotidiennement tous les puits qui sont dans les villages. En plus, nous envoyons des échantillons témoins dans les laboratoires en Guinée et à l’étranger. Nous bénéficions chaque année d’une inspection du Bureau d’Etude et d’Evaluation Environnementale de Guinée, qui vient faire des analyses de façon indépendante et qui restitue ses résultats», a expliqué M. Camara avant d’ajouter que de toutes ces analyses n’ont jamais été en dehors des limites et des normes prescrites par l’Etat guinéen.
Les mesures prises par la SMD face aux inquiétudes de la communauté par rapport aux possibles effets de la pollution
Interrogé sur la préoccupation des villageois qui se plaignent de ne plus avoir de terres cultivables, M. Camara répond : «dans les sociétés aurifères, l’exploitation n’est pas comme l’exploitation de la bauxite, qui se fait de façon étendue. L’or, vous verrez que ce sont des fosses où nous descendons en profondeur. Donc en dehors des zones où nous avons des carrières, nos effets sur le décapage de la couche arabe ne s’étendent pas aux endroits où les gens cultivent. Par contre, nous procédons à des reboisements chaque année où nous mettons la communauté au centre même de l’activité. »
Sur la disparition des animaux provoquée par les déchets toxiques de l’usine, Sékou Camara précise : « c’est un phénomène qui n’est pas exclu mais, les quelques rares animaux qui rentrent dans notre parc à boue et qui meurent, nous dédommageons ces personnes dès qu’elles le déclarent. C’est quelque chose qui est vraiment rare, c’est au maximum une fois sur chaque cinq à six mois. D’ailleurs pourquoi cela, nous avons mis des clôtures en barbelés autour de notre parc qui ont été vandalisées par cette même population. Nous avons mis des haies vives pour pouvoir protéger l’accès, ils sont venus vandaliser ces installations…»
S’agissant de la pollution aux poussières, M. Camara rassure en annonçant que des mesures idoines sont prises pour y faire face. «Nous avons deux citernes qui arrosent la ville de Léro ainsi que notre site. Nous avons des produits qu’on mélange avec de l’eau pour arroser l’intérieur de l’usine et les zones où nous n’avons pas besoin de gratter. En période de chaleur, quand vous arrosez et après 30 minutes, c’est comme si vous n’avez rien fait (…). Pour Léro, avant il n’y avait qu’une seule citerne mais, avec les plaintes, nous avons porté le nombre à deux. Et depuis, les plaintes ont cessé», a-t-il conclu.
Polémique sur la nocivité des produits chimiques utilisés sur la vie des hommes et de l’environnement : l’avis d’un scientifique spécialisé en environnement
«Le cyanure est connu depuis la préhistoire en tant que poison. Il est obtenu à partir de plusieurs matières premières. Le cyanure existe dans la nature, le plus souvent, sous forme de l’acide cyanhydrique. C’est un gaz qui se volatilise et a des composés comme le cyanure de potassium, le cyanure de sodium qui sont utilisés pour servir de poison ou encore comme composantes technologiques. C’est le cas de l’extraction de l’or avec un processus qu’on appelle la cyanuration. Ce sont des sels très solubles dans l’eau qu’on utilise pour fixer l’or. Parce que l’or a la capacité de se complexer avec les ion-cyanures pour donner un composé qui est facilement traitable pour récupérer l’or et le reste est évacuer sous forme de déchets liquides ou semi liquides comme la boue. Ces déchets rejetés dans la nature ont des propriétés toxiques dépendant de la concentration en cyanure. Cette substance peut être fatale parce qu’elle peut entrainer la mort au cas où il y a exposition aigüe ou bien à long terme, au cas où il y a exposition chronique. Tout dépend de la concentration à laquelle l’individu est exposé. Au cas où il y a une concentration de cyanure assez considérable dans l’eau d’infiltration ou dans les eaux de surface, si on consomme cette eau d’une manière ou une autre, cela peut provoquer des réactions dans l’immédiat où à long terme. Immédiat, lorsque la concentration est grande et à long terme si elle est très petite…», a expliqué le scientifique.
Quant au plomb utilisé dans le traitement de l’or, Abdoul Karim Barry déconseille son utilisation à forte dose au risque de détruire le système nerveux. «Je ne suis pas spécialiste en médecine mais, je sais que le plomb a un effet nocif sur le système nerveux. Il n’est pas recommandé de l’ingérer à des grandes quantités…», a-t-il expliqué.
Grand Reportage réalisé par Sékou Sanoh, de retour de Léro pour Guinéenews