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Dialogue inter-Guinéen: un défi à relever par le CNRD, les acteurs politiques et sociaux  (tribune )

Pendant que la marche du FNDC du 23 juin focalise les attentions dans l’écrasante majorité de la classe politique, il y a des acteurs qui font exception. Parmi eux, Jacques Gbonimy, président, pour ne pas dire l’autre président de l’UGP, ou du moins l’un des présidents du parti de feu Jean-Marie Doré.  Dans une tribune transmise à Guineenews, monsieur Gbonimy ne prend position ni pour ni contre la manifestation qui constitue sans doute le début du bras de fer entre la junte et les acteurs socio-politiques qui militent pour le retour à l’ordre constitutionnel. Par contre, il s’y évertue à mettre en exergue la nécessité de dialoguer.  Au compte de ce qui apparaît comme une première partie de sa réflexion que la rédaction vous propose, l’ancien commissaire de la CENI fait un rappel historique du dialogue politique guinéen.

 » LE DIALOGUE INTER – GUINÉEN, UN DÉFI A RELEVER PAR LE CNRD, LES ACTEURS POLITIQUES ET SOCIAUX.

– REGARD SUR LE PASSÉ DE LA GUINÉE.

En matière de dialogue politique, la Guinée vient de loin quant à son passé intimement lié au premier choix de régime opéré après l’indépendance. À cette époque, le dialogue se faisait à l’intérieur du parti unique qui gérait la Guinée à travers les assemblées générales et les conférences nationales. Tous les guinéens qui vivaient à l’intérieur du pays se nourrissaient de la pensée unique révolutionnaire qui caractérisait le régime politique de la première république. Toutes les autres tendances étaient taxées de contre-révolutionnaires et étaient sanctionnées à la hauteur de la « forfaiture ». Tout partait ainsi de la vision du comité révolutionnaire et rien d’autre n’était envisageable au-delà de celle-ci. C’est de cette manière de penser et de gouverner qu’est issu le Comité Militaire de Redressement National « CMRN » en avril 1984.

Le CMRN dirigé par le Colonel Lansana Conté a gouverné pendant les premières années de son pouvoir sans partage durant une période d’exception de 6 ans jusqu’à l’adoption de la Loi fondamentale en 1990.

Malgré l’avènement de la démocratie dans les années 90 et sa première élection en 1993, le Président Lansana Conté est resté toujours dans la pensée militaire qui consistait à donner des ordres ou à recevoir et exécuter. Il n’avait pas en réalité compris que la démocratie avait des principes qui s’imposaient à tous. A l’issue de ses deux mandats constitutionnels non renouvelables, il sera poussé par certains guinéens à modifier la Constitution de 1990 pour se tailler un mandat à vie. Cette aventure va générer des moments de crise qui vont lui imposer la tenue de dialogue avec les forces vives de la nation.

La crise engendrée par le troisième mandat du Général Lansana Conté va amener certains députés guinéens à penser à un dialogue au niveau des partis politiques parlementaires sous la présidence de l’honorable Decasy Camara en 2005. Cette initiative parlementaire n’avait pas prospéré pour deux raisons fondamentales:

– Premièrement, elle n’avait pas bénéficié de l’accompagnement des gouvernants qui n’avaient pas mesuré la portée de l’initiative et surtout, le danger qui les guettait.  De même,  il n’y avait aucune volonté politique de la part du Président Lansana Conté qui, après son départ de l’armée pour briguer la magistrature suprême à travers les élections qu’il a organisées et gagnées, restait encore profondément militaire dans l’âme, donc hostile au dialogue;

– Deuxièmement, l’initiative venait des députés des partis politiques qui étaient tous membres du parlement. Elle ne concernait ni les partis extra-parlementaires ni les organisations de la société civile. Elle n’avait mobilisé qu’une infime partie des forces en présence; juste pour dire que la pensée et l’esprit militaires ne considèrent que la grandeur de la force qui se dresse en face.

Ce premier dialogue orchestré par les parlementaires était forcément voué à l’échec à cause du manque de volonté politique et de l’absence totale d’une culture de dialogue liée à l’histoire de notre nation.

Notre mémoire d’homme en qualité de témoin des faits doit nous conduire à ne pas en vouloir au Général Lansana Conté dans son manque de volonté à accepter la demande de dialogue des forces vives de l’époque.

Un Général de l’armée donne des ordres à exécuter et ceux qui reçoivent ces ordres sont obligés  de les exécuter à la lettre.

De même, c’est encore plus compliqué pour un Général de se lancer en politique pour être confronté aux contestations quotidiennes des politiciens qui tiennent compte des textes légaux pour agir. Le Général Lansana Conté, il faut le reconnaître, était un homme de parole purement traditionnel de Bouramaya. Il était d’ailleurs un président paysan qui aimait l’agriculture et passait le clair de son temps au village.

Lorsqu’en 1993, le Président Lansana Conté avait accepté d’abandonner la tenue militaire pour porter le manteau civil à l’effet de se présenter candidat à l’élection présidentielle, il ne l’avait pas fait de gaieté de cœur car c’était le principe et surtout, une autre discipline à apprendre pour l’appliquer. Il ne tardera pas, après son élection, à dire à ses ministres que celui qui ne portait pas le titre de général sur son projet de décret le verra rejeté. Une façon de dire à ses ministres et au peuple de Guinée qu’il restait encore militaire dans l’âme même étant à la retraite.

Parlant de la négociation, ma grand-mère nous disait que si un chimpanzé attrape ton bébé, ne prends pas un bâton ou un caillou pour l’intimider. Trouve plutôt une banane mûre et va vers lui avec des éloges tout en visant ton bébé pour ne pas qu’il emporte les deux ( la banane et le bébé). Ce qui veut dire que tout usage de la force risque de faire fuir le chimpanzé qui détient ton trésor.

Au demeurant, il faut retenir que le troisième mandat du Général président Lansana Conté a été la cause de toutes les crises que la Guinée a connues de 2003 jusqu’à son décès en décembre 2008. A rappeler aussi que toute crise, qu’elle soit sociale ou politique, finit toujours autour d’une table de dialogue.

A la suite de l’échec du dialogue interparlementaire en 2005, intervint le dialogue du Comité paritaire en 2006 sous la clairvoyance de  Monseigneur Albert David Guillaume Gomez et l’Honorable feu Diao Kanté. Ce dialogue qui avait pour stratégie de mettre face à face, de manière paritaire, la mouvance présidentielle et l’opposition politique, a été la résultante de la persistance de la crise engendrée par la tenue forcée de la présidentielle contestée de 2003 qui avait consacré le troisième et dernier mandat du Général Lansana Conté. Présidentielle qui, du reste, avait été boycottée par les partis de l’opposition de l’époque.

Ce dialogue du comité paritaire avait eu le mérite de discuter de quatre thématiques qui étaient au centre des préoccupations sociopolitiques du moment. Les résultats des travaux de ce dialogue avaient débouché sur quatre textes de lois qui avaient été votés pendant la session des lois de 2007. Ils portaient entre autres sur :

– Le Code électoral révisé ;

– La Commission Électorale Nationale Indépendante CENI ;

– La subvention publique aux partis politiques et ;

– Le Statut de l’opposition.

Jamais un dialogue en Guinée n’a abouti à des résultats concrets et trouvé une application réelle que celui du Comité paritaire. La création de la CENI en fin 2007 en est l’illustration parfaite.  Durant six mois, les représentants de la société civile, des entités religieuses, des coordinations régionales, des partis politiques et de l’administration ont discuté, sans relâche, pour atteindre les résultats escomptés.

Souvenez-vous des questionnements du Général Lansana Conté concernant le nom de la CENI quand il avait demandé aux négociateurs de dire  » indépendant par rapport à qui? » en voulant parler d’une commission indépendante. En effet,  sa remarque était fondée, c’était une réalité méconnue en ce moment car l’autonomie financière de la CENI annoncée dans les textes de lois a toujours été un leurre.

De manière générale, le militaire est sincère dans ses engagements et le Général Lansana Conté a été un modèle sur ce plan. Il était loin des jeux de dupe du genre, je signe sans reconnaître après.

Il avait un raisonnement qui consistait à dire à ses ministres qui lui faisaient des propositions: « si c’est bon pour le pays, faites-le ».

Sur cette base, il mettait les hauts cadres à l’épreuve et sur cette même base, il avait été malheureusement trompé par ces mêmes guinéens en qui il avait placé entière confiance. L’aboutissement de toute cette gouvernance fut un troisième mandat fatal facilité par certains barons du régime, ce qui avait encore ouvert d’autres chantiers de crises interminables.

Où pensons-nous aller avec toutes ces crises quand leurs promoteurs se plaisent dans leurs besognes?

Nous y reviendrons…

Textes transmis par Jacques Gbonimy, président de l’UPG »

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