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Des élèves et femmes empêchés d’aller à l’école ou au marigot, l’impossible cohabitation entre chimpanzés et villageois à Lafou, un garde forestier témoigne (entretien)

La dernière intrusion d’un groupe de chimpanzés qui s’est violemment attaqué à un enfant dans le village de Péguéti, dans la sous-préfecture de Lafou, a relancé les débats sur la cohabitation entre humains et chimpanzés dans cette zone de la préfecture de Lélouma. Après la prise en charge de la victime qui semble de nos jours hors danger, la rédaction régionale de Guinéenews basée à Labé a rencontré le chef du cantonnement forestier de Lafou. Dans cette interview exclusive qu’il a bien voulue nous accorder, le Sergent-chef Jean-Baptiste Guilavogui décrit, sans langue de bois, la difficile cohabitation entre humain et chimpanzés avec une multitude d’attaques. Le manque d’eau et de nourriture seraient à l’origine de cette situation conflictuelle.

Guinéenews : avant de commencer, parlez-nous de l’attaque courant de cette semaine d’une horde de chimpanzés contre un groupe d’enfants dans un village de Lafou ?

Sergent-chef Jean-Baptiste Guilavogui : Effectivement, des chimpanzés sont entrés dans un village appelé Konkoli. Ces chimpanzés étaient venus à la recherche de fruits notamment des oranges. C’est ainsi qu’ils ont trouvé les enfants dans un coin du village. Chacun s’est senti menacé par l’autre et les chimpanzés ont attaqué en premier. C’est ainsi qu’ils ont blessé l’un des enfants et qui fût envoyé d’urgence à l’hôpital. Ils nous ont informés et nous sommes venus faire le constat des dégâts.

Guinéenews : c’est la première attaque de Chimpanzés à Lafou ?

Sergent-chef Jean-Baptiste Guilavogui :  Non ! Ce n’est pas la première fois que les villages qui sont sur le fleuve de M’Mama sont attaqués parce que les chimpanzés vivent dans les abords du même fleuve. A chaque fois que les chimpanzés ont besoin de manger des fruits. Ils profitent pour rentrer dans le village pour en cueillir. Donc, c’est à ces occasions qu’il y a souvent des conflits qui éclatent entre les hommes et les chimpanzés. En plus aussi, quand les animaux ont besoin de s’abreuver dans un cours d’eau et qu’ils y trouvent les humains sur place, ils rebroussent chemin. Maintenant, quand c’est le contraire qui se produit, il y a tout de suite conflit. Et très souvent, on enregistre des blessés. C’est un phénomène qui est de plus en plus récurrent. Car, c’est la troisième fois qu’on enregistre des incidents de ce genre à Lafou.

Guinéenews : mais, il parait que c’est beaucoup de chimpanzés qui ont fait intrusion dans le village cette fois-ci ?

Sergent-chef Jean-Baptiste Guilavogui :  oui ! Vous savez, l’autre fois quand l’ONG ‘’Guinée écologie’’ est venue pour dénombrer les nids de chimpanzés, on a trouvé, sauf erreur, de ma part au moins une trentaine de nids.  Même à cette occasion, j’avais vu plusieurs chimpanzés. Il y a beaucoup de chimpanzés et ce n’est même pas seulement là-bas. Seulement, les chimpanzés ne sont pas protégés, ils sont menacés avec les feux de brousse, la chute des gros arbres le qui long du fleuve…

Guinéenews : qu’est-ce qu’il faut concrètement pour éviter des intrusions de ce genre ?

Sergent-chef Jean-Baptiste Guilavogui : les animaux sont exposés. Dans les conditions normales, il sera bien de faire un reboisement d’arbres fruitiers parce que s’il y a ces arbres fruitiers le long du fleuve, les animaux vont rester en brousse. Mais s’ils n’ont plus quoi manger, ils viendront tout le temps au village. La saison dernière aussi, précisément pendant la période des mangues, les chimpanzés sont rentrés à Kolla M’Mama pour cueillir les mangues. Mais y a aussi eu accrochage avec des bœufs et les chimpanzés ont tué deux veaux et ont blessés d’autres. J’ai aussitôt remonté l’information à la hiérarchie. Là, c’était un problème de mangues et cette fois-ci, c’est un problème d’oranges. Sans oublier que les chimpanzés ont également frappé dans le passé une fille à Kolla M’Mama. La fille allait au marigot avec un chien et il y a eu accrochage.

Guinéenews : cela veut dire qu’il y a eu plusieurs attaques à Kolla M’Mama… Est-ce que parfois les habitants du village ne tentent pas de riposter en blessant ou tuant ces chimpanzés ?

Sergent-chef Jean-Baptiste Guilavogui : Non ! Par rapport à cela, je dis non. A chaque fois, on les sensibilise et eux-mêmes sollicitent juste un forage dans le village pour laisser la rivière aux chimpanzés. Parce que c’est là où les habitants viennent aussi s’approvisionner en eau. C’est le même endroit qui reste pour les chimpanzés pour s’abreuver. Les citoyens demandent juste à avoir un forage à l’intérieur du village pour laisser les points d’eau naturel aux animaux afin d’éviter les accrochages. Car vous voyez que les chimpanzés rentrent maintenant dans le village à la recherche de quoi manger. Donc, il faut qu’on trouve comment les appuyer sinon, il y aura toujours ces menaces contre la sécurité des habitants de ces villageois.

Guinéenews : voilà pourquoi les habitants disent craindre pour la sécurité de leurs enfants ? 

Sergent-chef Jean-Baptiste Guilavogui : justement à Kolla M’mama, les chimpanzés coupent des fois la route de l’école et les enfants se voient obligés de rebrousser chemin. Vous savez, il y a de gros arbres sur la route de l’école en question. Donc, quand les chimpanzés viennent là-bas pour manger, les enfants ne peuvent plus passer pour aller à l’école. Tant que les chimpanzés sont là-bas, les enfants sont obligés de rester à la maison. Ils ne vont pas à l’école. Le directeur de l’école est au courant de cela, le maire aussi et j’y ai été à plusieurs fois pour la même situation.

Guinéenews : dans une telle situation, est-ce que vous en tant qu’agents de l’environnement, vous ne pouvez pas intervenir pour déloger ces chimpanzés afin de libérer la route pour les enfants qui vont à l’école ?

Sergent-chef Jean-Baptiste Guilavogui :  chasser les chimpanzés, on peut le faire si on est équipés. Mais nous-mêmes, nous ne sommes pas équipés. Nous sommes là sans moyens de déplacement. Nous n’avons pas de fonds pour le reboisement. Donc, nous sommes là sans appui suffisant. Vous avez vu, on a remonté beaucoup de choses sans suite favorable.

Guinéenews : en attendant, quel message pouvez-vous lancer pour une meilleure cohabitation entre humains et chimpanzés à Lafou ?

Sergent-chef Jean-Baptiste Guilavogui : … c’est de demander à l’Etat de venir au secours. En trouvant au moins un point d’eau aménagé ou forage au village de Kolla M’Mama pour que les villageois évitent le marigot surtout en saison sèche. Ensuite, prendre les dispositions pour faire un reboisement d’arbres fruitiers tout au long du marigot. Parce que si les animaux ont leur manger en brousse, ils ne viendront pas dans le village. Mais s’ils n’ont pas quoi manger, ils ne vont pas rester comme sans rien manger en brousse. Ils iront là où ils trouveront à manger. Donc s’ils ont à manger avec un reboisement d’arbres fruitiers, on va accentuer la sensibilisation des populations et trouver de meilleure politique pour mieux protéger ces chimpanzés. Parce que c’est à nous que la population fait toujours appel. Et très souvent, on nous demande des crédits téléphoniques et parfois c’est moi-même qui fais le transfert afin de savoir ce qui se passe avant d’intervenir. Mais on est tout le temps là-bas pour la même situation.

Des propos recueillis par Alaidhy Sow, Labé pour Guineenews.org

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