Dans une note qu’il a fait parvenir à Guinéenews, un patient atteint du COVID-19 apporte, sous le sceau de l’anonymat, sa contribution pour une meilleure riposte au virus. L’idée est partie de ces constats au Centre de traitement épidémiologique (CTE) de Donka où il séjourne actuellement. Pour lui, « la gestion des patients en temps d’épidémie est différente de celle en temps normal ». A ce titre, dit-il, elle mérite l’attention et la contribution de tous. Il formule même des recommandations. Lisez :
« Phase des tests »
La contamination est maintenant fortement communautaire. Les lieux de test sont souvent bondés de monde. Les patients viennent se faire prélever avec beaucoup d’angoisse auprès des agents du laboratoire dans leur combinaison aussi stressés en raison des nombreuses sollicitations. Cette situation génère souvent des tensions entre patients et agents de labo.
Ces unités de prélèvement et de test, à cet effet, méritent d’être dotées d’agents, bref des psychologues chargés d’accueillir et de sensibiliser les patients. En tant que premiers interlocuteurs, ils pourraient apaiser les patients en leur prodiguant des conseils pour surmonter les stress au cas où ceux-ci seraient testés positifs ou négatifs.
Cette situation et les informations reçues relatives aux tracasseries lors du dépistage démobilisent certains suspects qui continuent à contribuer à la propagation dans les quartiers.
Temps d’attente plus long et plus angoissant
Le temps d’attente des résultats varie, en moyenne de trois à huit jours, selon les patients et les unités de Labo. Parfois, ce temps d’attente donne plus de fièvre que la maladie elle-même. C’est un moment chargé d’émotion pour toute personne ayant effectué un prélèvement par les services compétents de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSS). Le plus souvent, ce sont des cas de contact suspects ou volontaires, avec ou sans symptômes.
Par un message téléphonique, les chanceux sont informés que le résultat du prélevé est négatif. Pour les cas positifs, ils sont informés par coup de fil. Un agent avec un ton désintéressé les informe de leur statut et enchaine les questions d’investigation malgré l’état de choc du patient.
Le pauvre positif est alors soumis à une batterie de questions du centre d’appel de l’ANSS. Car, celui-ci doit faire son travail pour lequel il est recruté. C’est un moment dur pour le cas confirmé qui est partagé entre angoisse et la prise en charge de sa propre situation ainsi que l’information de sa famille dans un contexte de stigmatisation.
Concernant les prélèvements internes dans les CTE, les résultats des patients retardent souvent. Pourtant, ils ne doivent pas excéder les 24 heures pour permettre aux testés négatifs de libérer les lits pour les cas confirmés qui continuent à attendre dehors et à accélérer la propagation du virus au sein de la population. Souvent, le nombre de guéris déclarés est un cumul des résultats retardés de plusieurs laboratoires sur plusieurs jours. Il arrive que les guéris concernés restent sans information sur leur statut jusqu’au jour J+2 après la déclaration de l’ANSS.
L’accueil des cas confirmés
A l’arrière-cour de Donka (maternité), il suffit de te présenter verbalement comme cas confirmé, sans aucune preuve, simplement avec une confirmation verbale pour être accueilli. Ce qui est quand même léger comme principe pour recevoir quelqu’un qui peut a priori être n’importe qui voire une personne malintentionnée
Le corps médical est parfois débordé par d’autres urgences avec des symptômes de COVID-19, non confirmée par un test, venues se présenter dans un état grave pour être prise en charge.
Dans cette situation, le corps médical est soumis à des rotations de 3 équipes de 8 heures, chacun en 24 heures.
Face aux cris des patients en attente sous un hangar, un médecin se charge souvent de chercher dans les salles des lits libres ou disponibles pouvant accueillir ces nouveaux patients. A cause de l’insuffisance du nombre de lits, femmes et hommes sont parfois hospitalisés dans une même cabine.
Une fois un lit disponible identifié, un cas confirmé est appelé et installé. Le plus souvent avec sa bavette infectée venue du quartier. Il ne reçoit aucune séance d’accueil et de sensibilisation concernant les soins, l’utilisation des installations (lits, toilettes, poubelles, etc.).
Cet exercice traduit un dysfonctionnement entre l’enregistrement des sorties et l’admission des malades par genre (Femmes & hommes).
Un constat très dangereux : les patients admis rentrent au centre avec des bavettes infectées qui, normalement, devaient être systématiquement remplacées avant sa rentrée dans les couloirs du centre.
Attention, des infrastructures sont en train de prendre un sacré coup
Il est important de savoir que le Covid-19 commence par les hauts cadres et affectent maintenant les populations des quartiers pauvres. Ces populations ont besoins d’être sensibilisées pour qu’une fois admis dans le centre, elles puissent mieux se comporter.
Fréquence d’entretien des cabines et salles largement insuffisante
Deux fois par jour, toutes les cabines et salles sont nettoyées correctement. Vu le nombre de patient et la fréquence dans les installations, celles-ci sont salies en trois heures. Courage aux services de nettoyage !
Prise en charge, un véritable casse-tête pour les médecins qui sont insuffisants
Chapeau bas pour le corps médical par rapport aux efforts et la ponctualité dans les services. Ils font les deux contrôles par jour avec prise des paramètres (tension, température, pull) et vérification d’autres plaintes des patients pour lesquelles, si elles existent, les remèdes sont livrés immédiatement ou, au plus tard, dès le suivant contrôle médical.
Cependant, faut-il le souligner, il y a un besoin d’augmenter le nombre de médecins. Le ratio idéal est d’un médecin pour 10 patients. Malheureusement, nous sommes encore loin de cette norme. Actuellement, nous avons moins d’un médecin pour 25 patients. Ce qui rend fastidieux le travail de ces braves agents de santé dans leur combinaison de protection étouffante, avec un risque de rallonger le temps de passage pour le contrôle des patients ayant des difficultés avec certains symptômes.
Les patients sont soumis lors de leurs entretiens à un exercice répétitif qu’ils jugent parfois lassant. Cet exercice consiste à fournir des informations d’identification : le nom, l’âge, le quartier, la profession et la date d’admission. Ces informations pouvaient être extraites de la base de données, reportées sur une fiche qu’on aurait collée au chevet du patient pour éviter cette répétition toute la journée au passage du corps médical.
Un patient, fatigué de cet exercice s’est fait inscrire les données sur une affiche qu’il a mise au-dessus de son lit qu’il indexe au corps médical à chaque passage de celui-ci.
Salle d’assistance respiratoire :
Ce sont des salles très bien alimentée en oxygène. Mais, elles sont souvent bondées. A l’allure des infections au sein des populations, l’offre est encore inférieure à la demande. Vu l’état de santé, l’âge et les antécédents des patients admis, le temps de séjours est long et la survie est difficile. D’où l’intérêt de protéger nos personnes âgées dans nos familles de cette maladie.
Le manger
Un cadre parfois inconfortable
Nuisance sonore provoquée par des agents de nettoyage ou du corps médical. Mais aussi à cause des pleurs des proches des patients décédés. Par exemple :
– après le décès d’un patient sous assistance respiratoire dans la nuit du 15-16 mai 2020, une femme du 2ème niveau s’est mise à pleurer dans les couloirs du rez-de-chaussée pour rallier sa cabine. Elle a été informée du décès du patient, surement un parent à elle, dans la salle d’assistance respiratoire.
– La même nuit, un autre patient, âgé de 81 ans, placé sous assistance respiratoire, est décédé.
Recommandations
Partant de mes constats, je formule les recommandations suivantes :
-Accueillir les patients sur la base d’une liste pré-imprimée disponible dans tous les CTE et éviter d’admettre les patients sur une simple affirmation de ces derniers. Un espion ou quelqu’un de malintentionné pourrait se faire admettre facilement dans les différents centres et y commettre des forfaitures (vols, vol et dans le pire des cas des homicides… ), notamment à Donka dont nous faisons allusion;
-Remplacer systématiquement les anciennes bavettes chargées de microbes, portées par les patients lors de leur admission au centre pour éviter d’éventuelle contamination ;
-Mettre des équipes d’accueil composées de sociologues, psychologues ou membres d’ONG chargées de sensibiliser les nouveaux cas admis sur :
– l’utilisation des sanitaires, des installations électriques,
– l’exploitation des espaces individuels et communs
– la nuisance sonore
– la cohabitation en cabine ;
-Afficher les données (Nom, Age, Quartier, Profession et date d’admission) des patients au chevet des lits pour faciliter le travail des médecins et éviter de faire des erreurs dans ces données à l’occasion des prises répétitives ;
-Informer les patients de ne pas verser le reste des nourritures dans les toilettes. Car les couloirs sont suffisamment dotés de poubelles et les services de nettoyage veillent sérieusement à leur remplacement ;
- sensibiliser ou aider les agents (corps médical et agents de nettoyage) à communiquer entre eux sans se mettre à crier dans le couloir pour déranger les patients qui dorment parfois ;
– Accéléré les tests internes voire dédié un laboratoire entier à ceux-ci pour que la transmission des résultats et l’information des guéris sur leur statut n’excèdent pas les 72H.»
Observez les gestes barrières et la distanciation sociale pour nous protéger et protéger les autres !
Ensemble, nous bouterons le Covid-19 hors de la Guinée !
Stop Covid-19 !
Meilleure santé à tous les patients !