Au regard des violences qui ont cours dans le pays suite à l’autoproclamation du candidat de l’UfdG comme vainqueur de l’élection du 18 octobre dernier d’une part, et d’autre part, après la publication des résultats provisoires de ladite élection par la CENI (commission’ électorales nationales indépendante), donnant une victoire écrasante au camp présidentiel dès le premier tour du scrutin à plus de 59% des suffrages exprimés, la question qui se pose maintenant est de savoir comment faire pour sauver la « démocratie guinéenne » visiblement en danger de mort ?
En effet, il n’est un secret pour personne que les Guinéens sont aujourd’hui plus divisés que jamais, leurs institutions plus contestées qu’hier et leurs dirigeants plus critiqués que nulle part ailleurs. Or, comment un peuple désuni peut-il détenir et exercer par et pour lui-même un gouvernement sans échouer ? Comment un gouvernement issu d’un peuple désuni peut-il fonctionner correctement si ce peuple n’a plus confiance dans les institutions de la république, qu’il juge non transparentes et partisanes ? Enfin, que représentent les dirigeants d’un pays fragilisé par des clivages ethniques qui ont perdu toute crédibilité aux yeux de la population ?
Ces questions montrent que les élections ne sont que le début d’un processus démocratique. Elles ne constituent pas la démocratie elle-même. Ce qui se produit après la tenue d’élection est évidemment ce qu’il y a de plus difficile. L’espace politique guinéen a aujourd’hui besoin d’être protégé pour permettre aux opinions différentes de s’exprimer librement dans un contexte de démocratie pluraliste. En observant ce qu’il se passe maintenant dans notre pays, on voit à quel point la démocratie exige pour sa survie une gouvernance redevable et inclusive qui améliore la vie des citoyens. Que de guinéens brimés dans leurs droits constitutionnels, que d’innocents tombés sous les balles des forces qui sont censées être leur protecteur, que de plaignants déçus de ne pas avoir obtenu justice de leur cause ! En cette fin du premier cinquième du 21ème siècle, l’espoir de justice et de démocratie du citoyen guinéen est encore inespéré.
La déception est à son comble. Les gouvernants et les députés ne se sont pas toujours avérés à la hauteur des exigences de la démocratie. Ils n’en respectent pas toujours les règles convenues. Le défi de la lutte contre la corruption n’est pas relevé, au contraire la corruption s’est amplifiée et les gouvernants n’ont pas réussi à construire la confiance sociale, marqueur important d’une démocratie en bonne santé. Tout cela cumulé avec l’impact économique de la crise sanitaire due au coronavirus qui a poussé nos dirigeants à recourir à des décisions difficiles contre les droits civiques, ne préfigure pas en faveur d’un futur meilleur pour le guinéen en matière de démocratie. Ce qui fait craindre raisonnablement un réel risque que les gens ne se tournent vers des pratiques alternatives plus radicales qui condamneraient à mort notre démocratie à la fleur de l’âge. Face à une telle menace, que faut-il donc faire pour sauver le processus de démocratisation de la Guinée ?
Vers une démocratie durable en Guinée
La première idée qui nous vient en tête est de faire appel à la sagesse des institutions africaines, à savoir l’Union africaine et la Cedeao. En effet, les mandats de ces deux institutions les commandent de promouvoir au sein des États-membres « les principes et les institutions démocratiques, la participation des citoyens et la bonne gouvernance ». Toutefois, ces deux organisations sont aujourd’hui plus décriées que jamais. Les peuples africains ont de moins en moins confiance en leur capacité à résoudre les crises du continent. Toutes deux sont critiquées pour leur manque de transparence, leur partialité et la corruption qui règne en leur sein. En particulier, la Cedeao qui a supervisé le processus électoral en Guinée est accusé par bon nombre d’observateurs d’être une instance qui défend la cause des chefs d’État des pays membres. Alors que les populations réclament partout maintenant dans la sous-région une Cedeao au service des peuples. De plus, même si la Cedeao condamne les coups d’États par exemple, sa volonté est bien plus mince lorsqu’il faut intervenir de manière préventive quand un régime entrave ou affaibli les libertés démocratiques de ses citoyens.
Dans ces circonstances, c’est donc à la communauté internationale sous l’égide des Nations unies de prendre le relais en acceptant de travailler avec les dirigeants et les citoyens de nos pays pour soutenir le processus démocratique. À cet égard, il faudra consentir à lever certaines limites liées à la logique de la souveraineté étatique. Car, selon moi, à partir du moment où un État n’est pas lui-même capable d’organiser des élections transparentes, crédibles et apaisées et dont les résultats soient acceptés par tous, alors il ne peut plus se vanter d’être souverain. Ainsi, l’organisation des élections dans notre pays, devrait être dorénavant confiée à une instance extérieure suffisamment crédible et puissante pour pouvoir à la fois superviser et sécuriser tout le processus électoral, mais aussi faire accepter ses résultats à toutes les parties concurrentes. C’est certainement la meilleure manière de mettre fin aux dissensions qu’engendre l’organisation d’élections par une Ceni décriée et les violences qui s’ensuivent, causant à chaque fois des morts et des blessés. En ce qui concerne les parties prenantes locales, elles doivent apprendre à être responsables et crédibles dans leur lutte pour la démocratie. Car elles constituent substratum d’une démocratie durable. L’avenir de notre pays dépend de nous-mêmes. Travaillons ensemble dans la justice et la solidarité pour devenir plus grands, pour devenir de vrais guinéens.