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Conakry : quand les fonctionnaires se gavent dans les restaurants de rue

CP : LG

Les fonctionnaires qui se rendent à Kaloum  très tôt le matin, sont quotidiennement confrontés à un problème de nourriture dans la journée. Ne pouvant pas facilement avoir accès à leurs domiciles en plein jour, pour cause d’embouteillage, ils se contentent des restaurants ou des gargotes de fortune, en attendant le soir. Et pourtant, que de manque d’hygiène peut-on constater dans ces restaurants de rue mal famés.

Nous sommes au quartier Almamya, dans la commune de Kaloum. Le long du mur de la direction de la défunte SOTELGUI. On vend à manger sous les bâches qui servent de restaurants. Un environnement qui offre un paysage insalubre. Les vendeuses disent fournir des efforts pour maintenir l’endroit propre.

« Il y a des bassines d’eau avec du savon pour laver les mains et les assiettes avec les cuillères. Ici est propre. Les gens ne se plaignent pas », lâche la tenancière interrogée sur le lieu. Et ce n’est pas faux ! Les nombreux clients trouvés sur place à cette heure de pause se contentent du cadre de ce « restaurant en plein air », « L’environnement n’est pas ça, mais bon, nous sommes habitués au cadre. L’essentiel c’est de manger… Ce n’est pas trop propre, mais on fait avec », se résigne un client, interrogé sur-le-champ.

Non loin de « La poste », se trouve une autre gargote sous un bâtiment R+7 en chantier, en face de la Mosquée Almamya. Le coin draine du monde, surtout pendant la pause.  Mais hélas ! L’hygiène y fait défaut. Les assiettes, les cuillères utilisées sont mal nettoyées. L’eau pour les laver est inchangeable avec une couleur à couper l’appétit.  La sauce plusieurs fois remuée dans un seau en plastique à l’aide d’une louche, émet de la mousse en surface. Dans ces conditions non hygiéniques, un client nous confie son secret de protection contre les maladies  comme le choléra, la fièvre typhoïde : «Si on veut regarder l’environnement et la façon dont les femmes manipulent les assiettes et autres cuillères, on ne mangera pas. On a faim, comment faire ? On ferme les yeux  sur tout ça ! Quand on sait qu’on doit chercher la santé, on lave soi-même son assiette qu’on rince avec de l’eau minérale, on cherche un endroit approprié, sain pour s’asseoir et manger», nous révèle ce client tout joyeux de recevoir son plat plutôt que prévu.

Autre commune, autre réalité. A Matoto derrière le siège de la commune, il y a la seule gargote qui accueille  du monde. Mais pour y être servi à temps, cela relève d’un parcours du combattant. Dans ce lieu insalubre, les travailleurs de la mairie et les enseignants du lycée des écoles environnantes se battent pour avoir à manger ce matin-là. Dans cette baraque exigüe, les clients sont serrés les uns contre les autres dans une chaleur à vous couper le souffle. La sauce chaude sur le riz chaud, dans cette fournaise sans ventilateur, n’empêche nullement les clients du matin, pressés de regagner les bureaux ou les salles de classes. A côté de la vendeuse en même temps serveuse, la fillette requise pour laver les assiettes est tellement débordée qu’elle laisse les clients eux-mêmes passer à la vaisselle. « C’est comme ça ici. Il faut attendre qu’un client  lui prenne l’assiette et la cuillère pour accélérer le service. Sinon ça sera une longue attente ». Mais là aussi, à peine l’assiette plongée dans l’eau à peine retirée. Aucune mesure d’hygiène. La même eau utilisée depuis des heures ne gène guère personne.

C’est le même scénario à l’aéroport. Les gargotes en face de cet endroit prestigieux de la capitale n’ont pas fière allure avec un environnement qui laisse à désirer. Ici, les restauratrices n’ont pas pris soin des lieux. Des bicoques contigües aux urinoirs, et autres toilettes sont ouverts. Ces restaurants sont prisés par les travailleurs de l’aéroport qui se relaient pendant des heures de pause.  « Cette femme prépare bien voilà pourquoi je viens ici. A Conakry on ne peut pas regarder l’environnement pour manger. Sinon on ira où ? Tous ceux que vous voyez là habitent dans des quartiers, loin de leurs lieux de travail. Et n’oubliez pas aussi que les plats coûtent moins chers dans ces endroits qu’ailleurs », tient à préciser cet officier de la douane, en poste à l’aéroport.

Aliments de rue, sources de plusieurs maladies 

Les médecins ont l’habitude de dire aux patients que le mal dont souffrent les Africains est la malbouffe. Pour emboîter le pas aux médecins, on dira que beaucoup de malades dans les hôpitaux sont victimes des aliments de rue. Généralement, on ne contrôle pas ce qu’on achète  et on mange. Or il se trouve que la plupart des aliments que nous mangeons ne sont pas de bonne qualité.

« Les 80% des malades que nous recevons à l’hôpital sont victimes de l’alimentation. Les gens ne contrôlent pas ce qu’ils mangent. Ces aliments contiennent assez d’huile, de sel et plus particulièrement du Cube Maggi de mauvaise qualité. Les gens s’empoisonnent volontairement dans la rue et courent vers les hôpitaux dans un état critique. Pis, ces aliments de qualité douteuse se transportent devant les écoles. Les enfants se gavent des biscuits, des bonbons, des galettes, des sandwiches et même des plats de riz ou de fonio exposés aux mouches, à la poussière. Tout ça ne garantit pas la santé. Les gens ne varient pas les aliments. On les voit toujours avec les mêmes plats sans fruit ni rien. Ça mange du n’importe quoi, n’importe comment et n’importe où. L’essentiel, c’est de se bourrer le ventre. Et ce, malgré le plat qui attend à la maison. C’est dommage », regrette Issa Bah, infirmier au CMC de Ratoma.

Qu’est-ce qui fait courir les fonctionnaires vers les restaurants insalubres ?

Interrogés lors de notre enquête, beaucoup d’abonnés à ces coins de rues, soutiennent que les restaurants chics et salons de thé ne sont pas à la portée de tout le monde. Surtout quand on est fonctionnaire de l’Etat. « On n’a pas de choix. Dans la rue, on mange moins cher. Regardez par exemple ! Avec un billet de 20.000 on peut se permettre un gros plat de riz avec bien sûr de la viande ou du poisson. Dans les restaurants climatisés où il y a toutes les commodités, il te faut débourser 80 à 100.000 francs guinéens pour espérer avoir un plat. Sans oublier l’eau et le pourboire qui est même devenu un droit pour les serveurs ! C’est trop ça ! Pour qui connait le salaire du Guinéen, tu ne peux pas imaginer le voir dans ces genres de restaurants. Bien manger à Conakry dans la journée, n’est pas chose facile », nous apprend Mahmoudou S, cadre à la direction d’une boite d’assurance de la place.

Au regard de tout ce qui se passe, on peut l’affirmer sans risque de se tromper que les travailleurs qui quittent leurs domiciles très tôt le matin pour y revenir le soir se nourrissent dans la rue et dans des conditions non hygiéniques.     

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