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Circulation routière : des usagers ou des véhicules bien à l’abri des contrôles routiers

C’est une approche d’un genre qui vous détendra à coup sûr. Elle décrit, sous forme de satire, une réalité faite de vérités dont l’évidence le dispute aux truculences. Belles sont ces histoires que la circulation routière nous sert au quotidien et que nous reportons ici dans un langage coloré et originel, tiré de la rue et qui restitue la stricte réalité des faits, tout en incitant à la réflexion.

Des conducteurs épargnés de toute tracasserie dans la circulation ? Eh bien, oui, ne soyez pas étonnés, cela existe bien dans les rues encombrées de Conakry !

Ces « chanceux » échappent à tout contrôle. D’après ce qu’on en dit, les policiers, à leur vue sont sans réaction, comme indifférents, ou à tout le moins, tolérants. Ils les laissent passer en toutes circonstances. Aucun document ne leur est exigé : permis, carte grise, assurance, visite technique, autorisation de transport, vignette, rien de tout ça !  Respect du code de la route ? Attendez demain !

Mais quel est donc le secret de ces heureux élus et qui sont-ils ?

Nous obtenons l’essentiel de nos réponses auprès d’un groupe de chauffeurs devisant à un arrêt taxi informel, pendant un des intermèdes qu’ils s’accordent entre leurs rotations à travers la ville. C’est précisément un chauffeur qui nous intéresse en particulier. Il se tient dans un coin, avec un collègue.

Nous engageons la discussion, l’air de rien, donnant l’impression d’être un citoyen curieux et solidaire des difficultés qu’ils vivent au quotidien. Aussitôt, il semble intéressé et nous notons son air grognon et tout aigri, sans doute, de ne pas appartenir à ce cercle de privilégiés exemptés de contrôle et en plus, râleur et fatigué des nombreux borè saré (prix de sauce) que lui réclament policiers, syndicats et union des transporteurs, postés partout sur la route. Il nous dit tout ça, d’une traite. Nous avons ferraillé la bonne personne. En fin connaisseur du terrain, il nous livre un pan de son expérience : « mon frère, prendre papiers là même, c’est zéro. Tu as papiers, tu n’as pas papiers, c’est même chose pareille. Faut tu payes toun (nécessairement) ! L’azan (l’agent) parle même chaque jour : « tu crois c’est papiers là nous on mange ? Allez, gare là-bas, donne l’argent, kanamara (sinon) fourrière !

Qui échappe donc à ces souricières démultipliées à chaque coin de rue ?

Notre aigri de chauffeur, qui semble bien connaître son sujet, de poursuivre : « police là, il n’attrape pas quatre personnes, même tu es en faute.

Commencement, les hommes en tenue : police, zendram (gendarme), douani, (douanier), soori-minitère (militaire). Là, il ferme les yeux pour sens interdit, san numéro, doubler file, gauche, droite, excès de vitesse et même insulter et faire bagar avec sofèr ou pranti. (Chauffeur ou apprenti)

Encore il y a les grands patrons dans grand véhicule, très joli, vitres noires, tu vois rien dedan, parfois même sans nimoro (numéro). Là c’est gardabou (garde à vous) bien fait :  kaou !  Et beaucoup de salamaleykouns (salutations), avec rire content, même il voit pas c’est qui, l’homme assis dedans. Il salue pour attraper cadeau et dit : « excellence, à vos ordres. On est là pour vous ! »

Troisième véhicule qui passe sans attraper, c’est vieux tacot fatigué, façon taxi, avec femmes dioulamoussou (marchandes) qui vend feuilles là, ou bonga (légumes ou poissons). Police, il regarde pas ça. Même chose avec gros camions remorque, sans freins, sans phares, beaucoup de nyagassi (conflits, cris, disputes) sur la route. Quelqu’un ne parle pas.

Femmes là, il  sort matin bonèr. En cas de nyagassi, c’est commencement crier fort et si agent, il quitte pas, c’est histoire, bagarres et kombi (injures) graves. Azan (l’agent) qui commence ton zourné (journée) comme ça, ton hargué là (chance), il est gâté avec  palabre de femmes.

Mais, nimoro 1 que police a beaucoup peur, ça c’est passé il y a longtemps, mais c’est taariika (histoire) de chez nous. Nous vieux, on doit parler ça pour les jeunes de maintenant là. C’était temps de Dadis-sèndédé (CNDD). Tan la (en ce temps), c’était chaud dè, vrai, wallahi, sokho (par Dieu, c’était vraiment chaud mon oncle !). Tan la,  lui c’est foulkan (fous le camp), quitte devant moi. Il passe toun(seulement)! Gauche, droite, en avant, roulez vite !    

Après ce descriptif fort inspiré et ce rappel de l’époque du CNDD, notre chauffeur prend une pause. Histoire d’impressionner son voisin de banc qui nous avait ravi la vedette, tellement il semblait impressionné par le discours. Peut être aussi, voulait-il lui donner le temps de bien assimiler le cours dispensé. Le temps qu’il reprenne son souffle, son élève, comme cela arrive souvent, rebondit par une autre question. Lui-même, chauffeur de son état a voulu savoir comment faire pour échapper à ces contrôles qu’il juge intempestifs et arnaqueurs. Le maître a son idée : « wallahi,(par Dieu) il faut commencement, tu vas gâter beaucoup coque de ton verkil là, pour que ça va devenir sale et très vilain. Comme ça, tu  vas rouler sans fatiguer pour papiers, yé minko (prix de  l’eau), borè saré (prix de sauce) et nambaras (problèmes) avec police. Quand c’est trop gâté là, sale, avec mauvais coque, grand bruit moteur, beaucoup fumée pour faire takhoun ! takhoun !(tousser) azan, sargement nyatiri (chargement n’importe comment), sans numéro, il te regarde même pas woo. Tu passes toun. Il sait, y a rien avec toi.»

Notre chauffeur-élève était aux anges. Il prenait un cours gratuit d’incivisme et de contournement des règles établies. Mais, voilà que dans son empressement à tout savoir à la fois, il pose la question de trop, celle qui met brutalement fin à l’entretien : «maître, c’est tout, se hasarde-t-il ? Tu sembles bien connaître cette affaire de circulation en sous-marin pour échapper au contrôle ?»

Aussitôt, notre ‘’expert’’ de réagir. Il sort en un quart de tour du semblant de torpeur et de rêverie qui l’habitait un bon moment. Il se redresse, regarde autour de lui et toise son interlocuteur, l’air furieux et pris de doute : « Eh, toi là, avec beaucoup de questions là, tu veux quoi ? Tu fais l’escroc avec moi ? C’est vous là qui mélangez les gens. Ou bien, c’est la police qui t’a envoyé? D’ailleurs, moi je m’en vais. Agnon (c’est fini).»

Et la bonne causette de s’arrêter là. Se pourrait-il, qu’elle vous ait intéressé, déridé ou apporté, ne serait-ce qu’un petit sourire ? Nous l’espérons. Si en plus, vous en avez appris, ne serait-ce qu’un petit peu, alors c’est tant mieux ! C’était l’objectif recherché : utiliser la satire pour croquer à belles dents les faits de société et en apprendre, dans la détente et le fair-play. 

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