Le 8 mars, le président Alpha Condé a publiquement annoncé son intention de procéder à un profond remaniement de son gouvernement, composé fin décembre 2016. Depuis, une guerre feutrée est ouverte entre les prétendants affichés, les candidats cachés et les outsiders déclarés, sous fond de grandes manœuvres, de petits calculs et de coups bas.
En prenant le chef au mot, votre quotidien électronique, Guinéenews©, n’a pas la prétention de détenir les secrets du palais, mais sur la base des indiscrétions, nous tentons d’expliquer la guerre de positionnement en jeu. Cependant, précisions de taille, nos photos en Une sont juste un échantillon.
Si le président Condé va devoir se choisir un nouveau premier ministre, toutes nos sources estiment, sans être dans ses secrets ou dans sa tête, qu’il a quatre choix possibles.
Le premier, il opte pour la continuité, en reconduisant l’actuel PM. C’est possible. En le faisant, le Chef aurait des arguments. D’abord, il part du fait qu’on ne change pas un capitaine qui gagne. Ensuite, Mamadi Youla, visiblement accommodant et sans ambition politique, ne représente aucune menace. Ni pour le RPG, ni pour l’opposition.
Le deuxième, il pioche dans son camp. Ce camp peut être un cadre de son parti, un ministre de son gouvernement, un membre de son entourage ou un proche recyclé. Les trois derniers cas de figure sont bons en soi puisqu’il s’agirait de la promotion du mérite. Mais le premier cas serait mal perçu par l’opinion et ses alliés. Politiquement, ce n’est pas interdit mais le RPG serait gourmand en s’offrant deux pouvoirs, la présidence et la primature.
Le troisième, il pique dans l’opposition ou parmi ses alliés dans le cadre d’une ouverture. S’il coopte un allié, ce serait dans le cadre du partage des pouvoirs. Mais s’il pioche dans l’opposition, il aura réussi à affaiblir ses adversaires, mais le hic de ce scénario, est qu’il risque d’avoir des soucis avec son parti ou ses alliés. Puisque ce serait donner des moyens à un rival d’ici 2020. Pire, il aurait violé une promesse électoraliste à moins qu’il nomme un opposant Soussou.
Ou dernier scénario, il propulse un inconnu du public comme il l’avait fait avec Mohamed Saïd Fofana en 2010, Mamadi Youla en 2015 ou enfin Claude Kory Kondiano au parlement en 2014.
Du profil du PM ?
Le Chef de l’État ne s’étant pas exprimé sur ce sujet, il serait difficile de le deviner à sa place. Mais selon son entourage, le futur PM pourrait être un technocrate, consensuel, pas encombrant pour le parti au pouvoir et ne traînant pas des casseroles.
Selon un commis au cœur de la galaxie présidentielle, le futur premier ministre pourrait être un ancien ministre. Le patron, ayant tiré les leçons de la gestion des deux premiers pensionnaires, miserait désormais sur l’expérience. « Ce qui est évident, le futur Premier ministre viendra de la Basse Guinée, ça, au moins, c’est une certitude », jure un habitué du palais.
Ce détail, s’il se confirme, met à l’eau la proposition de l’ex militante de première heure du RPG, Doussou Condé, qui, invitée de Lynx FM, avait sa solution toute faite.
« Si Alpha Condé veut la paix en Guinée, qu’il nomme un premier ministre peulh… Parce que c’est lui qui a exclu cette communauté de la gestion du pays… C’est lui qui a dit qu’il donne la primature aux Soussous et l’Assemblée Nationale aux Forestiers. Et lui, il est Malinké. Pour moi donc, s’il veut calmer la situation, c’est de nommer un Peulh comme PM », a-t-elle suggéré.
« J’ai dit au président qu’il faut absolument des réformes maintenant avec le choix des nouvelles personnalités. Il faut des gens qui inspirent confiance pour donner des gages aux populations. Cela ne veut pas dire que tout le monde va partir, mais il faut que les personnes mal perçues soient remplacées », a-t-il martelé en substance.
Pour corroborer la pertinence de ses conseils, le haut représentant du Chef de l’État cite des réformes qu’il a faites en 1990 sous Alassane Ouattara en Côte d’ivoire et sous sa propre initiative, quand il fut nommé premier ministre en 1996 en Guinée.
Sauf que le leader de l’UFR n’explicite pas ce qu’il entend par des « nouvelles personnalités ». C’est du français facile, certes, mais toute la nuance est là.
Invité de la même émission le 11 avril, le conseiller personnel du président, Tibou Kamara, a donné son opinion sur le profil du futur PM. Une opinion qui n’engage que lui et relevant de la discrétion de son chef.
« Quand je vois la nature des défis auxquels le pays est confronté, des difficultés politique et économique, je serais tenté de dire qu’il faut un premier ministre accepté et acceptable. Le choix du PM détermine l’acceptation de l’ensemble du gouvernement », a-t-il indiqué.
Invité également d’Espace FM, l’ancien premier ministre, Lansana Kouyaté, a reconnu que le travail le plus délicat pour un chef d’État, c’est de former son gouvernement, prévient-il.
« Mais on ne l’annonce pas avant d’être prêt. Quel est le gouvernement qu’il faut à la Guinée ? Est-ce que ça suffit d’avoir des gens compétents pour faire ce travail quand le président lui-même est au début et à la fin de tout ? Je plains les ministres, les quelques compétents qu’il y a parmi eux, je les plains parce qu’ils n’auront jamais les coups de chance pour étaler leur savoir-faire », a-t-il fustigé.
Qui sera le futur PM ?
Selon des indiscrétions des membres de la galaxie présidentielle, plusieurs noms ont circulé à la présidence comme étant des prétendants potentiels à la Primature. Mais ces noms, souvent relayés dans la presse avec renfort de publicité, ont disparu, au fur et à mesure. Les noms d’au moins trois ministres, dont une dame et de quatre conseillers revenaient souvent. Depuis, bouche bée.
Aujourd’hui, le leader le plus en vue serait Kassory Fofana, actuel Ministre d’État à la présidence chargé des investissements. Son nom courait d’ailleurs à la veille des élections locales.
Outre Tibou Kamara, des responsables de la sécurité croient dur comme fer à Kassory Fofana. C’est comme deux responsables du gouvernement contactés par Guinéenews.
Interrogés, les collaborateurs de Kassory Fofana sont élogieux. Il est un technocrate qui aime s’entourer des compétences, il sait distribuer les rôles et aller à l’essentiel. S’il est porté à la Primature, son CV serait rempli et n’aurait plus de complexe vis-à-vis des autres PM : Cellou Dalein Diallo, Sidya Touré, Lansana Kouyaté. C’est tout ce que lui manque pour être à leur niveau.
« Nous, on n’est pas demandeur, mais si on a la primature, c’est toujours bon pour le CV et pour l’avenir », nous a susurrés un proche parmi les proches du Leader de Guinée Pour Tous (GPT).
Si Don Kass est en pole position selon les pronostics, il a trois handicaps, prévient un fin connaisseur de la présidence. D’une part, il est leader d’un parti politique. Or, on est à deux ans de 2020. D’autre part, il doit rassurer le RPG, qui tient à avoir son mot sur le choix du futur PM. Enfin, il y a Sidya Touré, même s’il n’est pas intéressé, mais il préfère de nouvelles figures.
S’il dit avoir expliqué au président, lors de leur dernier tête-à-tête, la nécessité d’appeler des « nouvelles personnalités », Kassory Fofana pourrait-il être dans son scénario ? Bien malin, qui dira la réponse. Selon une source informée, si le chef prend l’un, l’autre pourrait ouvrir les hostilités, à moins que, seule alternative, le président tente une médiation comme la photo à trois à Moscou.
Sollicitée, une personnalité influente du pays jure que le président Alpha Condé serait aujourd’hui dans un arbitrage des plus délicats. « Son cœur bat pour Kassory, mais il a peur de la réaction de son parti. Parfois, il pense à Sidya, mais il est hésitant parce qu’il pense à 2020. Parfois, il veut maintenir Youla. Bref, il veut contenter tout le monde sans heurter personne », affirme-t-elle.
C’est l’avis aussi, à une exception près, d’un haut placé souvent bien informé. « Ceux qui ont le nom du futur PM sont peu nombreux : c’est lui et quelques-uns de ses amis ».
Comme on le voit donc, jamais le choix d’un futur premier ministre n’a suscité autant de spéculations au point qu’aujourd’hui, le président Condé, écartelé entre le cri de son cœur, la voix de sa raison et la realpolitik, serait alors entre le marteau de ses promesses électoralistes et l’enclume de la réalité du terrain. Il est face à un choix cornélien. Et il doit trancher.
Dur dur d’être chef.