Passé le tumulte des premiers jours et après que les passions se soient estompées, la gendarmerie routière de Faranah dont c’est la zone de contrôle donne des précisions sur les circonstances exactes de cet accident mortel de la circulation.
le camion semi remorque Renault, immatriculé RC-3781-Q/RC-3782-Q, conduit par Ousmane BARRY titulaire de permis conduire n°249620, catégorie (BCDE) ;
Le minibus Ford immatriculé RC-2395-S conduit par Abou Konaté dont le permis de conduire n’a pas été retrouvé.
Le camion Renault immatriculé RC-9525-R conduit par monsieur Mamadou Mouctar Diallo, titulaire du permis de conduire n°099569 catégorie(BCD).
Peu avant l’accident, le sieur Ousmane Barry roulait tranquillement dans son couloir de marche, en provenance de N’Zérékoré pour Conakry avec à son bord deux apprentis dans la cabine et un chargement de mille sept cent soixante douze (1772) bidons d’huile de palme.
Dans sa progression, il arrive au lieu de l’accident indiqué plus haut. A cet endroit, la chaussée décrit un tracé rectiligne avec une déclivité située dans le sens Faranah-Kissidougou. C’est là que le sieur Ousmane Barry entreprend de dépasser le camion Renault roulant devant lui, peut être trop lentement à son goût (nous ne commentons pas). Au même moment, arrivait en sens inverse, le minibus Ford, conduit par Abou Konaté, lequel voyant le camion foncer droit sur lui, tente d’éviter la collision frontale. Il a le réflexe de se rabattre immédiatement sur le côté gauche de son sens de marche. Mais en vain ! Certes, il évite le nez à nez de justesse, mais pas l’accrochage.
C’est ainsi que le flanc droit du minibus a été littéralement rasé par la carrosserie du camion semi remorque. Plus grave encore, suite à l’accrochage, il s’est renversé sur le flanc gauche, a dérapé sous l’effet du choc, avant d’être projeté, en direction du camion qu’on dépassait. C’est ainsi que son porte-bagages s’est buté violemment contre ce dernier. Un véritable enfer pour ce minibus et ses occupants au nombre de 18 qui se rendaient à Kissidougou. On se fait une idée des conséquences qui en résultent. Et ça n’a pas manqué. C’est peu de dire que c’est grave.
A ce jour nous sommes à treize (13morts, cinq(05) blessés dont (04) graves et des dégâts matériels plus ou moins importants. »
Dans la détermination des responsabilités ayant entrainé cet accident mortel, l’adjudant-chef Lamine Théa nous dira :
«Cet accident mortel de la circulation routière est dû au dépassement défectueux et à l’obstruction de la chaussée, infractions au code de la route que nous relevons et retenons contre monsieur Ousmane Barry, conducteur du camion Renault semi remorque, immatriculé RC-3781-Q/RC-3782-Q. »
Après le rapport de la gendarmerie routière de Faranah, quelques réflexions nous viennent à l’idée. C’est d’abord cet immense regret devant tant de morts et de blessés. Mais c’est aussi tant de fureur devant la bêtise de certains conducteurs de chez nous qui font fi des règles du code de la route et conduisent avec inconscience et irresponsabilité. Cet accident de Banian n’aura pas fait exception à la règle. Comme tous les autres qui sont survenus auparavant, à l’intérieur du pays, il a polarisé l’attention des citoyens au point de devenir un évènement de portée nationale et même au-delà. Il en a toujours été ainsi. Chez nous, dès la survenue d’un accident grave, surtout quand il y a de nombreux morts, l’opinion se montre préoccupée, pour ne pas dire passionnée. Un état de fait qui s’estompe quelques jours après, aussi vite qu’il est survenu. Cette période d’intense émoi donne lieu à de nombreux commentaires et supputations. Certains citoyens tiennent à se mêler de tout. Leur attitude induit quelquefois des dérapages sur les lieux d’accident. Ils se donnent des airs d’agent, voire de juge. On les entend et voit qui expliquent à tue-tête les circonstances de l’accident, en déterminent les responsabilités, évaluent le nombre de victimes et leurs lésions, dressent le constat et tirent des conclusions, indexant parfois, même les supposés auteurs ou victimes. Autant d’attitudes anarchistes qui compliquent la tâche aux services de constat, seuls habilités à gérer des situations d’accident, quelque soit leur ampleur et gravité. Cette obstruction et tous ces aspects y afférents ont créé une certaine confusion les premiers jours de l’accident à Banian, ce qui a sans doute conduit à cette communication fluctuante et fragmentaire qui a perduré toute la semaine. Pour preuve, nous citerons le bilan de cet accident qui a été régulièrement reconsidéré et mis à jour. Les annonces faites à cet effet ont été toujours disparates sur le nombre exact de victimes. De neuf morts le premier jour, on est passé à 10, 11 et maintenant 13. C’est le dernier chiffre en date que retient la gendarmerie. Avec l’espoir que les blessés graves survivent et qu’ils recouvrent la santé. Ce que nous leur souhaitons de tout cœur.
Cet accident est dû à une méconnaissance du code de la route ou à une abstention volontaire d’obéir à ses règles. Le bon sens suffit à dissuader un chauffeur de doubler un véhicule sur une déclivité qui est un endroit où se présente dans un sens, une descente et dans l’autre, une remontée. A aucun de ces deux endroits on ne doit jamais dépasser. Même Toto le sait. A plus forte raison un chauffeur titulaire d’un permis BCDE, le sommet de la hiérarchie dans le genre. La même règle s’applique dans un virage, un carrefour, un pont, un tunnel, un passage à niveau, un passage piétons, etc.… L’auteur de l’accident s’est permis cette imprudence sur une remontée, oubliant qu’à ce niveau se pose un problème de visibilité. Il ne voit pas ce qui arrive loin devant lui et en plus, avec l’heure qu’il faisait, au-delà de 18h, c’est sûr que le crépuscule n’était pas loin. Nous étions déjà le soir, à un moment où les phares n’ont encore que peu d’effet.
Ce sujet inspire beaucoup. D’abord sur le plan purement professionnel, l’éthique et la déontologie, les règles d’usage et procédures commandent aux policiers et gendarmes de la sécurité routière de ne jamais déterminer les responsabilités sur un lieu d’accident. Cette consigne est stricte. Il leur est enjoint de faire les constatations d’usage en gardant une stricte réserve et sans émettre un quelconque commentaire de nature à influencer la procédure. C’est seulement au bureau, à leur base et en présence de toutes les parties en cause qu’ils sont libérés de ce serment.
A ce jour, dans toutes les unités de sécurité routière, il a été institué le passage obligatoire au tableau noir pour situer la ou les responsabilité (s). Cela a contribué à apaiser l’après-accident qui était toujours source de tensions, de conflits, de frustrations, d’incompréhensions et de polémiques à n’en plus finir. On entendait dire : « je suis certain d’avoir raison dans cet accident. On refuse de me le reconnaitre… » « C’est sûr qu’ils ont pris de l’argent pour me refuser mon droit » … « La vérité ne sortira jamais, on se fatigue pour rien, l’agent défend l’auteur. C’est son parent » « Tu as vu, il m’a cogné alors qu’il était ivre et sans permis, mais c’est le protégé du chef», « Ah ! Tu n’as pas compris, pourquoi, l’air de rien, ce dossier tarde à être finalisé, on a affaire à un directeur, … » etc.
Pour faire table rase de toutes ces récriminations, il est désormais institué le recours au tableau noir dans les unités de sécurité routière. Le croquis de l’accident est reporté au tableau noir, devant le personnel et les cadres ainsi que les parties au dossier. Chacun s’explique, argumente. On finit toujours par comprendre et admettre la vérité des faits.
Cette méthode a permis d’économiser de nombreux conflits ainsi que des demandes de reconstitution d’accident. Mais aussi, de former et sensibiliser, un tant soit peu, les usagers au code de la route, signalisation routière et règles générales de la circulation. Cependant, il faut admettre que ce seul acquis ne suffit pas.
Apprendre est certes utile. Nul ne le conteste. Mais au-delà, il faut surtout s’engager à respecter et appliquer toujours ce qu’on a appris. Si cela se concrétise, alors nous aurons une circulation routière apaisée et peut être même que cet accident de Banian que nous déplorons tous, ne serait pas arrivé. Son auteur est sensé le savoir.
Mais hélas, le titre d’une célèbre chanson de Fodé Conté nous vient à l’esprit : « le monde n’est jamais parfait. »
Nous sommes donc dans un combat sans fin et de tous les instants.