« La Guinée n’est plus un pays fréquentable avec le président Alpha Condé à sa tête. Plus personne n’est fou pour penser y parachuter son argent »
Si le député et président de l’Union des forces démocratiques (UFD) n’apprécie pas toujours que la Guinée et l’Afrique reçoivent des leçons de la part de l’occident en général, des anciennes puissances colonisatrices en particulier. Mamadou Bah Baadiko ne regrette pas que certains régimes africains soient rappelés à l’ordre. L’opposant l’a fait savoir dans un entretien téléphonique accordé à Guinnéenews à propos de la rencontre sur le relance des économies africaines tenue mardi dernier à Paris et sur la liste des hauts responsables guinéens visés par eurodéputés… Lisez !
Guineenews.org : la rencontre sur la relance post Covid-19 des économies africaines vient de se tenir à Paris où la Guinée n’était représentée ni par le président de la République ni par son Premier ministre. Qu’est-ce que cette absence de la Guinée vous inspire ?
Baadiko : il faut préciser que ce n’est pas le gouvernement guinéen qui a manqué le rendez-vous. Il n’était pas invité (…). Maintenant ce que nous avons remarqué, c’est qu’il y a des critiques acerbes de monsieur Macron contre le gouvernement. Ces coups de boutoirs constatent que c’est dans le pré carré francophone que resurgissent toutes les dictatures. Alors c’est bien que les organisateurs aient pris les dispositions d’inviter les chefs d’Etat qu’ils peuvent considérer comme sérieux et engagés et fréquentables. Vous avez remarqué qu’un certain nombre de dirigeants n’ont pas été invités. Il y a le nôtre en Guinée, Patrice Talon, l’oligarque qui a ramené le Bénin, qui était le flambeau de la démocratie en Afrique de l’ouest, à la dictature la plus féroce. Vous avez d’autres grands absents comme Sassou Nguesso qui vient d’introniser son fils et qui prépare aussi sa dynastie.
Guineenews.org : mais il y a Alhassane Ouattara de la Côte d’Ivoire qui s’est accroché aussi au pouvoir comme Alpha Condé après ses deux mandats ?
Baadiko : les initiateurs ont dû estimer qu’il y a une différence. Je ne dis pas que c’est un bon choix mais, au moins il est différent du cas guinéen.
Guineenews.org : y a-t-il des circonstances atténuantes ?
Baadiko : il n’y a aucune circonstance atténuante à installer des pouvoirs comme nous en connaissons en Côte d’ivoire, bâtis également en grande partie sur l’ethnicisme, la corruption des élites. Mais ils ne sont pas dans le même cas que la Guinée qui n’est plus considérée comme un pays fréquentable avec le président Alpha Condé à sa tête. Et surtout c’est une grande gifle lorsque des Paul Kagamé qui sont reconnus au plan africain et international comme des patriotes africains, des vrais nationalistes qui ne se laissent pas compter (…) et devant lesquels la France est presqu’à genoux aujourd’hui, ils sont reconnus comme sérieux et travailleurs sur le plan économique, ils sont reconnus comme des partenaires sérieux et fiables. Alors que nous, les seuls partenaires fiables que nous avons, ce sont les compagnies minières qui viennent piller nos ressources. Donc avec ou sans Covid-19, je ne vois pas ce qu’on peut faire avec des gens qui n’ont que ça à proposer où vous ne pouvez faire aboutir aucune politique économique sérieuse. Nous voilà deuxième producteur mondial de bauxite. Mais l’ambition du président Condé, c’est de nous transformer en pays le plus piller de l’Afrique en matière de bauxite. Et donc, je me demande ce qu’il aurait pu faire dans un sommet économique comme ça parce lui il voulait les mines il les a eues et nous, la misère et la pauvreté.
Guineenews.org : là-dessus, dans l’entourage du président, il y en a qui laissent entendre que lui-même qui ne serait pas intéressé à ce genre de rencontre qui ne lui rapporterait pas grand-chose.
Baadiko : effectivement plus personne n’est fou pour penser parachuter de l’argent en Guinée. On a eu combien de milliards d’aides en dollars depuis l’indépendance ? Ça servi absolument à rien. Les gens le savent. Je trouve que de ce point de vue, il a parfaitement raison. S’il allait pour ramener un chèque, il savait que ça ne marcherait pas. Il serait le dernier à en avoir un. Parce que plus personne n’est prêt à perdre son argent comme ça avec des pays totalement corrompus où c’est l’élite qui détourne tout. Il a perdu la confiance des grands bailleurs internationaux puisque tout le monde sait que la Guinée est un gouffre. Tout ce qu’on y envoie est dilapidé, confisqué par l’élite prédatrice qui n’arrive à rien réaliser de sérieux. Il savait qu’il aurait été le dernier à avoir un chèque là-bas… Il faut rappeler que la situation de ce pays est telle que c’est le président de la République qui est le premier caissier national. C’est lui qui décaisse tout. Tout le monde sait aujourd’hui qu’il n’est pas que président. Il est le premier caissier de la République. Les diplomates sont là, ils savent très bien ce qui se passe. Je ne vois pas un Ambassadeur sérieux qui va inciter son gouvernement à nous aider. Voilà le problème !
Guineenews.org : l’autre actualité, c’est la liste faite par des eurodéputés qui ciblent 25 personnalités guinéennes pour des problèmes de gouvernance et de droits de l’homme.
Baadiko : je note que c’est une liste qui est indicative. Pour l’instant, il n’y a pas de décision de l’Union européenne. Mais l’UE est absolument en droit de s’interdire toute relation avec des gens qui sont accusés de crimes politique, économique ou d’emprisonnement d’opposants. Mais là aussi, il y a beaucoup de semonces. Ça veut dire que l’impunité au plan international, ne sera plus garantie. Je rappelle que le président de la République s’est battu quand il était à l’Union africaine pour que l’Union Africaine sorte de la Cour pénale internationale puisque qu’il préparait toutes les tueries qu’on allait voir à l’occasion du troisième mandat. Voilà donc l’impunité est garantie à Conakry mais, le régime va être mis au ban de la communauté internationale. Et ça ne devrait pas tarder. Je dis que c’est un coup de semonce. L’impunité, les emprisonnements sans jugement, il faut que ça s’arrête, que l’Etat de droit soit respecté. Et l’Europe a le droit de dire que nous n’allons pas dépenser nos ressources et nos relations avec des gens qui ne respectent pas la légalité et qui sont connus pour être des prédateurs qui ne peuvent traiter qu’avec des entités corrompues (…). Voilà des situations qui devraient rappeler aux gens que Dieu existe et il va récompenser chacun pour ses actes et c’est ce qui est en train de se passer (…). C’est comme au niveau des évènements douloureux du 28 septembre avec des viols commis depuis 2009 qui sont restés impunis et c’est malheureusement le colonisateur européen qui vient nous interpeler sur ce sujet. Pendant que nous tournons en rond depuis dix ans en nous débrouillant avec madame Fatou Ben Souda, impossible de rendre justice. Ce qui est absolument inimaginable alors que des gens sont en train de dire qu’eux ils sont là pour cinquante ans, pendant que le pays est complètement exsangue et bloqué partout. Avec une population qui souffre de façon indescriptible. Voilà la situation.
Entretien réalisé par Thierno Souleymane Diallo