Enseignant-chercheur et par ailleurs ancien directeur national de la culture et ex-ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, M. Baïlo Teliwel Diallo, cet amoureux de la paysannerie a toujours nourri l’ambition selon laquelle le développement local passe nécessairement par l’agriculture. C’est d’ailleurs ce qui l’aurait motivé à ouvrir sa propre ferme. Une ferme école située sur les rives de la Saala à quelques encablures de Popodara et à environ 13 kilomètres du centre-ville de Labé.
C’est dans ce vaste domaine, qu’un Baïlo Teliwel en forme et visiblement très à l’aise a accepté de recevoir Guinéenews.
Interrogé par rapport à ces motivations pour la mise en place de cette ferme. Surtout après avoir occupé des hautes fonctions au sein de l’administration publique guinéenne, sans ambiguïté Teliwel nous dira que » lorsqu’on me pose cette question, c’est sous-entendant un ancien ministre devenu fermier. Or, c’est presque l’inverse. (…). Quand j’enseignais l’économie du développement à Gamal durant les années 70, j’avais orienté mon cours sur la réflexion de la place de l’agriculture en matière de développement. Et je savais, je sentais et je théorisais le fait que c’est l’agriculture même non pas l’agriculture d’exportation mais l’agriculture orientée vers le développement endogène qui peut permettre à ce pays là de s’en sortir. Mon modèle n’était pas la Côte d’Ivoire. (…). Mais par contre, une agriculture orientée vers les besoins de développement, vers l’agro-industrie, vers l’emploi agricole, vers les innovations technologiques dans l’agriculture, vers la lutte pour la sécurité alimentaire. Je crois en cette agriculture là avec une forte implication des scientifiques et des jeunes pour mobiliser les ressources dont le pays a besoin. Donc j’avais ça en cours sous une forme théorique. Aux Seychelles, j’ai rencontré des professeurs venus du Vietnam, de l’Angleterre avec lesquels je partage les mêmes idées. Et donc qui m’emmène à approfondir ma réflexion sur la place d’une agriculture autocentrée, endogène et durable. (…). C’est aux Seychelles, que partant de tout ça que moi et mon épouse avons décidé, une fois de retour au pays, on va réfléchir à la mise en place d’une ferme. Une ferme qui serait à la fois une ferme école, une ferme de technologie appropriée, une ferme de levier pour le développement endogène et durable, respectueuse de l’environnement et de transfert de technologie vers les paysans. Je rentre en Guinée en 1984 et je propose au Président feu Ahmed Sékou Touré de piloter un projet qui allait revitaliser les centres d’enseignement ruraux. (…). Avec l’idée de former des jeunes paysans qui allaient accepter de rester en milieu rural et d’ y mener une vie aussi agréable et aussi productive, novatrice comme si c’était en ville. Je propose ce projet au président Sékou Touré qui l’accepte tout de suite. Mais avec sa mort, avec le nouveau régime, tout est tombé à l’eau et on a opté pour le libéralisme », explique l’ enseignant-chercheur.
Poursuivant, Baïlo Teliwel Diallo expliquera que tout est parti de là. Et qu’il a jugé nécessaire de transformer ce projet en projet privé.
» (…). Du coup, en 2002, avec mon épouse de Popodara, on a commencé à mettre en place cette ferme. Planter des agrumes et rendre le domaine habitable.(…). Entretemps, je deviens ministre en 2012 je crois bien. (…). Dès que j’ai quitté le gouvernement, je me suis dis Dieu merci. Maintenant je peux aller reprendre mon projet. Donc tu vois ? Ce n’est pas de ministre à paysan. Mais plutôt de paysan à ministre et de ministre à paysan », précise Teliwel Diallo.
A la question de savoir sur l’évolution de la ferme, Baïlo Teliwel Diallo reste quand même très prudent. » Le résultat, à mon point de vue, est plein de satisfaction. Quand quelque chose échoue, ça peut être satisfaisant quand tu en tires les leçons. L’échec n’est pas nécessairement négatif. Ça te permet d’avoir une expérience de laquelle tu tires des leçons », reconnaît l’ancien ministre sous Alpha Condé avant de poursuivre : c’est déjà une ferme école. On a organisé depuis plus d’une décennie maintenant plusieurs sessions. Des sessions de formations en entrepreneuriat rural des jeunes. Parmi ces jeunes, il y en a certains qui se sont établis. En apiculture aussi, parmi ceux qui avaient assisté y a des jeunes qui se sont vraiment implantés en tant qu’apiculteurs modernes et qui font la promotion de l’apiculture. (…). J’ai aussi commencé dans ma ferme à appliquer des techniques permacole. Nous avons aussi expérimenté des semences, des cultures sur pneus, des cultures dans des sacs. (…). Tout ça, c’est des résultats. Mais nous avons aussi des problèmes comme tout autre petit paysan. (…), déplore Baïlo Teliwel Diallo.
Par rapport aux perspectives, cet inconditionnel du PDG RDA, entend poursuivre les recherches surtout avec les défis liés à la concurrence déloyale dans le marché et aux changements climatiques.
» Il faut que l’on poursuive tous ces programmes là. (…). Surtout en période de changement climatique qui devient de plus en plus évident. (…). Aujourd’hui, il faut que les jeunes sortent de l’esprit de mendicité. (…). Il y a un potentiel incroyable. Il ne faut surtout pas faire de la démagogie. Il y a des difficultés. Mais il faut que les jeunes se dotent de ressources intellectuelles, organisationnelles et qu’ils se mettent ensemble pour relever les défis, pour résoudre le problème et pour réussir dans leur activité « , conseille Teliwel Diallo pour conclure.