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Que sont-ils devenus ? Le parcours de Djibril Diarra « Becken », légende du football guinéen

Becken, ancien international du Syli national

Ancien international guinéen, latéral gauche du légendaire Hafia Football Club et du Syli National, Djibril Diarra, surnommé « Becken », est l’invité de ce nouveau numéro de votre rubrique « Que sont-ils devenus ? » sur Guinéenews.

Djibril Diarra est né en janvier 1954 à Conakry. Fils de feu El Hadj Sékou et de feue Hadja Hawa Kassé, il est marié à deux femmes et père de six enfants. Il a effectué ses études primaires et secondaires entre Tombo, Coronthie et le CER 14 mai, dans la commune de Kaloum. Diplômé en Économie-Finances de l’Institut Gamal Abdel Nasser de Conakry, il appartient à la 15ème promotion, baptisée « Josip Broz Tito ».

Au-delà de la pelouse, « Becken » a bâti une carrière administrative solide, occupant des postes stratégiques au sein des instances sportives et étatiques. Aujourd’hui, c’est depuis son domicile de Lambanyi que cet homme sobre et mesuré s’est confié à nous. Découvrez le récit d’un des acteurs majeurs du triplé historique du Hafia FC, qui célèbre en ce mois de décembre 2025 le 48ème anniversaire du sacre de 1977.

Guinéenews : Bonjour M. Diarra ! Vous faites partie de la génération dorée qui a conduit le Hafia FC au sommet de l’Afrique. Comment êtes-vous venu au football ?

Djibril Diarra « Becken » : Bonjour ! Je suis heureux de vous recevoir. À notre époque, le football se pratiquait à l’instinct. Tous les jeunes n’avaient qu’un objectif : taper dans le ballon et atteindre des sommets. J’ai commencé dans les rues de Coronthie. Nous étions encadrés par feu Gaoussou Konaté, un enseignant passionné. Le football était alors structuré de la base au sommet : scolaire, quartier, section, puis fédération. Les étapes étaient respectées.

Guinéenews : Quand avez-vous été sélectionné pour le Hafia et le Syli National ?

Djibril Diarra : Lors d’un tournoi inter-sections, je jouais pour le 3ème arrondissement de Conakry 1. J’ai été repéré par feu Aboubacar « Barate » Camara, ancien capitaine et futur Secrétaire Général de la FGF. Il est allé voir ma mère pour obtenir mes dossiers. À son invitation, j’ai commencé les entraînements au Stade du 28 Septembre avec le Hafia.

Guinéenews : Quels co-équipiers avez-vous trouvés à votre arrivée ?

Djibril Diarra : J’ai rejoint la génération des regrettés Bangaly Sylla, Papa Camara, Alioune Kéïta « N’Joléah », ou encore Youssouf Camara « Jansky ». Ces aînés nous ont tracé la voie. L’accueil fut chaleureux, beaucoup d’entre nous venaient du même quartier. Mon intégration a été très facile.

Guinéenews : Êtes-vous devenu titulaire immédiatement ?

Djibril Diarra : Non, il fallait suivre les étapes. Je suis arrivé au crépuscule de la carrière du doyen Sékou Condé « le Bondissant », latéral gauche, qui était alors suppléé par Sandipé Bernard. C’était l’époque du sélectionneur Petre Moldoveanu, qui tenait à intégrer les jeunes.

Guinéenews : Quel est votre palmarès et quelles distinctions retenez-vous ?

Djibril Diarra : J’ai eu la chance de participer à toutes les grandes compétitions. Mon palmarès comprend :

 

Becken et Ly Abdoul

Guinéenews : Quel est le match le plus mémorable de votre carrière ? Et le pire souvenir ?

Djibril Diarra : Le plus beau reste une finale de la Coupe Cabral au Mali, où j’ai marqué deux buts qui nous ont offert le trophée. Le pire, sans hésitation, est la finale perdue contre le Mouloudia d’Alger en 1976. Imaginez la douleur… C’est d’ailleurs l’ailier droit d’Alger, Oumar Betrouni, qui m’a le plus marqué. Il m’a sérieusement fatigué ce jour-là ! (rires).

Guinéenews : On vous décrivait comme un défenseur « brut » et engagé. Est-ce vrai ?

Djibril Diarra : Disons plutôt que j’étais un latéral moderne. J’ai commencé comme attaquant, puis milieu, avant d’être reconverti par nécessité en arrière gauche. Mes aptitudes d’attaquant m’ont permis d’apporter offensivement. Je n’étais pas brut. J’étais simplement très combatif.

Guinéenews : Quelles ont été vos fonctions administratives après votre retraite sportive ?

Djibril Diarra : J’ai servi l’État comme administrateur civil : commissaire aux comptes au Port Autonome (1989-1990), Directeur préfectoral des Finances à Kissidougou (1990-1999), DAF de l’ISSEG (1999-2002), puis DAF à la Primature (2008-2020) et enfin contrôleur financier au ministère de la Culture (2020-2023). Aujourd’hui, je vis de ma pension et de l’indemnité allouée aux anciennes gloires.

Guinéenews : Quel regard portez-vous sur le football guinéen actuel ?

Djibril Diarra : Il n’est pas à la place qu’il mérite. Le manque d’infrastructures est le problème majeur. À notre époque, il y avait des terrains dans chaque quartier. De plus, la privatisation des clubs s’est faite sans étude préalable. L’État doit accompagner ce processus. Aujourd’hui, on parle trop d’argent. La hargne de vaincre doit passer avant les primes. Il faut réinstaurer la culture du devoir envers la nation.

Guinéenews : Vous avez vécu le triplé de 1977. Que représentait cette victoire à l’époque ?

Djibril Diarra : C’était historique, tant sur le plan sportif que politique. La Guinée avait des relations tendues avec le Sénégal et la Côte d’Ivoire. Le sport a servi de pont. Le Président Sékou Touré était très proche de nous, il partageait nos repas à l’internat. Réaliser ce triplé était un devoir noble, presque une question de survie nationale. Grâce à cette victoire, le président a pu rétablir l’amitié avec nos voisins.

Guinéenews : Un dernier message ?

Djibril Diarra : L’État doit s’impliquer davantage, notamment dans la subvention des clubs et la création d’infrastructures de proximité. La gestion fédérale doit aussi gagner en stabilité ; voir défiler les comités de normalisation depuis dix ans est inquiétant. Il faut choisir des dirigeants sur la base de leurs compétences et de leurs projets, et non par affinités. Mettons-la balle à terre et travaillons ensemble pour le football guinéen, pas pour des intérêts personnels.

Entretien réalisé par LY Abdoul pour Guinéenews

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